Dernière mise à jour : mardi 17 décembre 2019 10:54:22
Il y a juste un an, les médias du monde entier se précipitaient au chevet du Niger. Sous l'oeil des caméras défilait une cohorte de nourrissons et d'enfants décharnés dans les bras d'humanitaires occidentaux. La crise alimentaire qui a frappé le pays le plus pauvre de la planète, selon le classement de l'ONU, avait provoqué une vive émotion. En réalité, comme le rappelle Jean-Hervé Bradol, président de Médecins sans frontières (MSF), le Niger a connu «un pic de gravité» dans une situation de malnutrition chronique. Par le passé, il avait déjà vécu le même drame : en 1976, en 1984, en 2001. Au point que des institutions internationales avaient fini par considérer la faim au Niger comme une fatalité.
Chaque année, la période de soudure celle qui va de l'épuisement des réserves à la récolte suivante est critique. Bien que fragile, la situation globale semble moins dramatique cet été. Les récoltes de mil, la denrée de base, ont été meilleures, et les criquets n'ont pas dévasté les champs. «Les entrepôts sont pleins», affirme une humanitaire. Mais pas les estomacs. Selon l'association Action contre la faim (ACF), plus de 60 % des ménages se sont endettés pour survivre et le quart du cheptel a été décimé l'an dernier. «D'année en année, le nombre de ménages vulnérables ou très vulnérables augmente», assure la chef de mission d'ACF au Niger, Patricia Hoorelbeke. Pour 2006, l'Unicef et les ONG ont prévu de prendre en charge 444 000 enfants souffrant de malnutrition «modérée» et 56 000 de malnutrition «sévère». MSF distribue à grande échelle un remède miracle pour lutter efficacement contre la faim des tout-petits : le Plumpy Nut. Cette pâte nutritive à base de cacahouètes permet de se passer des traitements à base de lait ou d'eau, sujets aux bactéries.Gratuité. L'épisode très médiatisé de 2005 a servi d'électrochoc. Très critiqué par la société civile pour sa passivité, le gouvernement de Niamey a établi un plan d'urgence en faveur des plus vulnérables, en coopération avec l'Unicef et le Programme alimentaire mondial. Il prévoit notamment des distributions de nourriture gratuites. L'an dernier, les autorités avaient longtemps refusé de recourir à cette mesure prônée par MSF, de peur de déstabiliser les cours sur le marché céréalier. Le gouvernement a aussi annoncé la gratuité des soins médicaux pour les enfants de moins de 5 ans, avec l'aide de l'Organisation mondiale de la santé. Mais ces efforts n'ont pas calmé la colère de la population. Hier, des milliers de personnes ont défilé dans les rues de la capitale pour dénoncer «la misère qui gagne le pays». Globalement, la prise en charge des enfants dénutris s'améliore, mais elle risque de s'imposer pendant des années, faute d'action efficace sur les causes structurelles du fléau. Au Niger, la malnutrition frappe en priorité les moins de 3 ans. Selon Graziella Godain, de MSF, «ce phénomène est lié à la période de sevrage, où l'enfant a besoin d'une alimentation diversifiée que ses parents n'ont pas les moyens de lui fournir». Le gouvernement, lui, l'impute au manque d'éducation des mères qui cessent d'allaiter leurs enfants dès qu'elles sont enceintes, le lait maternel étant alors réputé souillé. «On leur reproche de ne pas prendre soin de leurs enfants. En réalité, elles sont prêtes à marcher des heures pour obtenir ce qu'elles appellent le biscuit, le Plumpy Nut», note un humanitaire. Certains observateurs stigmatisent aussi la démographie galopante. Avec plus de sept enfants par famille et un taux de croissance annuelle de 3,5 % (record mondial), le Niger double sa population tous les vingt ans. Alibi, là encore ? «Dans tous les pays pauvres, comme en France sous l'Ancien Régime, les familles font beaucoup d'enfants. Au Niger, elles savent qu'un enfant sur quatre de moins de 5 ans seulement a des chances de survivre», souligne MSF. Ce pays connaît le taux de mortalité infantile le plus élevé de la planète : 278 pour 1 000.
Déficit céréalier. Paradoxalement, ce sont les régions du Sud, les plus fertiles de ce pays aux trois quarts désertiques, qui sont les plus touchées. «Ces crises ne sont pas liées à un déficit de production agricole, mais à la répartition des produits et des revenus au sein de la société», souligne Jean-Hervé Bradol . Un jugement tempéré par Julien Clémençot, de l'ONG SOS Sahel, qui insiste sur un déficit céréalier chronique au Niger, habituellement compensé par des importations des pays voisins. Ce qui n'a pu être le cas l'an dernier : «Toute la région a connu une pénurie de céréales, et la circulation des denrées ne s'est pas faite convenablement.» En autorisant les distributions gratuites et en facilitant l'accès aux soins pour les enfants de moins de 5 ans, le gouvernement de Niamey a remis en cause un credo majeur des politiques de développement des institutions financières internationales : le marché et la croissance économique ne peuvent réduire à eux seuls les causes de la malnutrition. Reste désormais à inventer des solutions.
Sahel . Après la crise de l’an passé, gouvernement et organisations ont mieux coordonné leurs actions. Mais de nombreux enfants souffrent toujours de malnutrition.
Malgré ces chiffres, « 2006 se présente sous de meilleurs auspices que 2005 » a insisté Olivier Longué, directeur général d’Action contre la faim (ACF)-Espagne. Épargnée par la sécheresse et les criquets, la récolte a été bien meilleure que l’année dernière. De plus, après l’attention médiatique sans précédent portée à la crise de l’année dernière, gouvernement et organisations se sont mieux préparées. De nombreuses ONG sont opérationnelles depuis le début de l’année, ce qui explique en partie l’importance du nombre d’enfants traités, les villageois ayant d’autant plus tendance à faire soigner leurs enfants que l’offre est disponible et qu’ils ont intégré cette possibilité. Par ailleurs, le plan d’action national pour faire face à la crise, concocté cette année par l’ensemble des acteurs présents, prend en compte les erreurs de l’année dernière. Tout en ayant accru les actions d’atténuation, qui prévoient l’échange de nourriture contre du travail, le Programme alimentaire mondial (PAM) se dit prêt cette année à procéder à des distributions gratuites dans les zones les plus affectées. Par ailleurs, conscient que la malnutrition infantile est aussi liée aux maladies, comme le paludisme qui affaiblissent les organismes, le gouvernement a adopté en avril dernier un décret accordant la gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans. Une décision qui illustre une prise en compte des problèmes mais qui sera longue et difficile à appliquer sur le terrain, faute de fonds pour l’approvisionnement des centres de santé primaire.
La crise alimentaire au Niger est néanmoins vouée à être récurrente, tant ses causes sont structurelles. Le pays ne dispose selon ACF que de 12 % de terre cultivable, dont la rentabilité est extrêmement dépendante des aléas climatiques. À cela s’ajoute un taux de natalité de près de huit enfants par femmes, un des plus fort du monde, conduisant tout à la fois à une baisse de la productivité liée au rétrécissement des parcelles et à une augmentation des bouches à nourrir. Mais la production n’est pas tout. « On est confronté à une crise moderne » résume Olivier Longué. « La situation est paradoxale, les marchés sont pleins mais la population npas les moyens de s’approvisionner ». Même constat à MSF dont le président, Jean Hervé Bradol souligne que « les augmentations pourtant nettes, de la productivité et de la production agricole ne s’accompagnent pas, pour de nombreuses familles pauvres, d’un meilleur accès à une alimentation correcte ». Au Niger comme dans de nombreux pays pauvres, le gouvernement a dû, sous la contrainte des institutions financières internationales, libéraliser le marché des céréales. Ce dernier est alors tombé aux mains d’un petit nombre de notables locaux qui n’hésitent pas à spéculer à la hausse et jouissent d’autant plus du soutien du gouvernement qu’ils sont membres du parti au pouvoir. Résultats, les prix pratiqués sont inaccessibles pour la plupart des ménages ruraux.
Ainsi, même si cette année, l’augmentation des tarifs n’a pas atteint les taux record de l’année dernière - jusqu’à plus 80 % - les paysans qui se sont fortement endettés pour faire face à la crise de l’année dernière, en vendant leur bétail et leur récolte sur pied, n’ont plus de numéraire pour s’approvisionner sur les marchés. Pourtant, accrochés à l’idée que le marché, en stimulant la production, permettrait de modifier les paramètres structurels du déficit alimentaire, peu d’acteurs semblent vouloir prendre en compte la nature monopolistique de la commercialisation des céréales au Niger qui plonge chaque année les paysans dans une dépendance accrue.
Camille Bauer
NIGER: Les premières pluies laissent espérer de meilleures récoltes
NIAMEY, le 25 juillet (IRIN) - Les prières des Nigériens
ont enfin été exhaussées car les premières pluies tombées sur le Niger
ont arrosé une grande partie de ce pays aride, laissant espérer que la grave
crise alimentaire de 2005 ne se reproduira pas cette année.
D’ordinaire, début juillet est la période où la saison des pluies bat son
plein. Mais cette année, le retard des pluies a fait craindre une nouvelle sécheresse
dans le pays et les chefs religieux musulmans ont organisé des séances spéciales
de prière pour invoquer la pluie.
Et les pluies arrivent au moment critique de la période de soudure où les
agriculteurs doivent se serrer la ceinture avant les moissons, fin septembre,
début octobre. Sans ces pluies, les prochaines récoltes auraient été
compromises.
La disponibilité des vivres sur les marchés du pays constitue un autre motif
de satisfaction, car contrairement à ce qui s’est passé l’année dernière,
les prix des denrées alimentaires ne sont pas excessifs, selon les relevés
du Réseau des systèmes d'alerte précoce contre la famine (FEWS-NET).
En 2005, les effets conjugués de la sécheresse et de l’invasion des
criquets pèlerins ont été durement ressentis dans les pays sahéliens.
Le Niger, pays le plus pauvre du globe selon le classement des Nations unies,
a été particulièrement touché. Et ce n’est que lorsque les premières
images d’enfants malnutris sont apparues sur les écrans de télévision en
juillet dernier, que l’aide internationale s’est mobilisée.
Mais le problème ne se résume pas à la pénurie alimentaire. En 2005, les
marchés regorgeaient de denrées alimentaires, mais les plus démunis ne
pouvaient pas se les procurer.
Cette semaine, un rapport de l’organisation britannique Oxfam critiquait la
réponse de la communauté internationale aux crises alimentaires en Afrique.
Les dons alimentaires sont une solution à court terme, indique Oxfam qui
souhaiterait voir les gouvernements des pays pauvres s’impliquer dans l’amélioration
de la capacité de production et dans la sécurité alimentaire.
« La réponse de la communauté internationale aux crises alimentaires doit
être réétudiée … Les solutions à court terme doivent être remplacées
par des actions à long terme, explique le rapport d’Oxfam intitulé « Les
causes de la faim en Afrique ».
Pis, les bailleurs achètent rarement leurs aides alimentaires auprès de
producteurs locaux. Au contraire, ils préfèrent importer les dons
alimentaires de leurs fournisseurs.
« Une grande partie de l’aide alimentaire est encore importée, ce qui
signifie que les délais de livraison peuvent être de cinq mois et coûter 50
pour cent de plus que la nourriture achetée localement », comme l’explique
ce rapport.
La plupart des douze millions d’habitants que compte le Niger, vit de
l’agriculture de subsistance. Pourtant chaque année, le désert avance et
les trois quarts du territoire national sont maintenant des zones désertiques.
NIGER - 28 juin 2006 - PANAPRESS
Le Conseil islamique du Niger a appelé les Nigériens à des prières collectives, ce mercredi sur toute l’étendue du territoire national et dans toutes les mosquées, pour implorer la grâce de Dieu pour un hivernage fécond.
"Etant donné la situation que vit notre pays en matière de l’insuffisance des pluies, le Conseil islamique du Niger demande à tous les imans à travers notre pays, à organiser le mercredi à partir de 9 heures des prières collectives prônées par l’Islam dans de pareilles cas pour prier Dieu Tout Puissant de bénir notre pays d’une saison de pluies très féconde", a indiqué Mohamed Ag Ahmadou, vice-président de l'institution, dans une déclaration à la radio nationale.
Il a également demandé à toutes les populations de participer à ces prières qui devaient se répéter et continuer jusqu’à ce que le pays bénéficie de pluies fécondes.
Cette année encore, l’installation de la saison pluvieuse se fait très timidement sur l’ensemble du pays et inquiète beaucoup les populations nigériennes. A cette date très peu de villages agricoles ont procédé à des semis, alors qu’en temps normal, les cultures sont généralisées sur l’ensemble du pays à pareille période.
La Météo tente de calmer les populations en leur donnant de l’espoir pour une bonne campagne agricole. "La saison des pluies sera vraisemblablement normale à excédentaire (pluviométrie supérieure à la normale) pour la Zone 2 couvrant la partie Est de la région de Zinder jusqu'à la région de Diffa", précise un communiqué de la météo.
En 2005, les premières précipitations ont été enregistrées en avril dans la région Ouest du pays. Elles se sont généralisées sur l'ensemble du territoire national au cours du mois de mai où de nombreuses localités ont enregistré entre 100 et 130 mm de pluie.
Cette année, les premières pluies ont été faibles jusqu'à cette date et, comparativement à 2005, ont accusé un retard dû, selon la Météo, à l'arrivée relativement tardive de la mousson sur le Niger.
On rappelle que le Niger a fait face l’an dernier à une sérieuse crise alimentaire ayant nécessité l’intervention de la communauté internationale en vivres. A l’issue de la campagne agricole 2005-2006, le Niger a enregistré un excédent céréalier de quelque 100.000 tonnes mais qui cache en réalité beaucoup de disparités sur le plan national.
2005
Quelques sites :
Liens vers le Niger (en anglais)
Les amis du Niger (en anglais)
Des articles de presse sur la famine au Niger de 2005
Jean Guisnel, (le Télégramme)
« La France, on ne le sait pas assez, continue de devoir beaucoup à ce pays [le Niger - NDLR]. Une entreprise détenue en quasi-totalité par l’État, Cogema filiale du groupe Areva, y exploite des mines d’uranium, matière première stratégique indispensable aussi bien aux bombes atomiques françaises qu’aux centrales nucléaires d’EDF. Et les bénéfices d’Areva, qui sont allés directement dans les poches de l’État français, se sont élevés à 426 millions d’euros en 2004. C’est-à-dire que l’aide promise par la France au Niger exsangue s’élève à environ 1 % des seuls bénéfices de l’une des entreprises qui bénéficie le plus des liens de la France avec ce pays (...). À en croire Philippe Douste-Blazy, les pays riches joueraient l’avare à propos du Niger. Mais alors, que joue la France ? Tartuffe ! »
Niger - La pluie tombe enfin, mais complique l'aide
Reuters Édition du mardi 2 août 2005
Mots clés : Niger (pays), pluie, famine
Tahoua -- Les pluies torrentielles qui s'abattent sur le Niger promettent de meilleures récoltes pour l'avenir, mais ralentissent l'acheminement de l'aide aux millions de Nigériens frappés par la famine, ont alerté hier des organisations humanitaires. Les récoltes d'octobre dernier ont été réduites à néant dans des proportions importantes par la sécheresse et l'invasion de criquets pèlerins, privant de nourriture quelque 3,6 millions de personnes et menaçant de mort des dizaines de milliers d'enfants souffrant de malnutrition.
Les pluies qui ont commencé à tomber sur la ceinture
agricole du sud de ce pays aride permettent aux nomades, qui y font paître
leurs troupeaux, et aux agriculteurs d'espérer une meilleure récolte cette
année. «Si la pluie continue comme ça, cela sera mieux que l'année dernière»,
assure Issa Chaibou, cultivatrice de maïs.
Mais dans l'immédiat, les averses retardent la progression des camions
chargés d'aide alimentaire d'urgence, qui doivent parcourir plus de 550 km
pour acheminer leur cargaison de la capitale, Niamey, vers les villages
affamés. La pluie fait disparaître les pistes sous la boue, rendant
impossible l'accès à certaines localités proches de la ville de Tahoua,
dans le nord-est du pays.
«La pluie est bonne pour le pays mais pourrait aussi entraver
l'acheminement» de l'aide, rappelle Anita McCabe, porte-parole de l'ONG
irlandaise Concern, qui prévoyait hier de distribuer de la nourriture dans
le village de Barmou, près de Tahoua.
La pluie tant attendue peut avoir d'autres conséquences néfastes pour les
habitants des villages. À Madoufa, près de Tahoua, les murs de certaines
cases de terre et de pierre se sont effondrés sous l'effet d'un orage cette
fin de semaine, et les derniers semis ont été emportés par les eaux.
Mais la pluie n'est pas la seule responsable des difficultés humanitaires
du Niger. Les associations et les ONG dénoncent le retard avec lequel les
pays donateurs ont réagi, soulignant que ce délai a fait considérablement
augmenter le coût de l'aide.
La nourriture, qui aurait pu être acheminée par camion
il y a quelques mois, doit maintenant être transportée par avion à un coût
bien plus élevé. Les enfants, qui souffraient simplement de la faim au début
de l'année, atteignent désormais des stades très sérieux de
malnutrition. Jan Egeland, secrétaire général adjoint aux affaires
humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, a rappelé
qu'un dollar par enfant et par jour aurait suffi le mois dernier. Désormais
il faut 80 $ pour sauver la vie d'un seul enfant, a-t-il affirmé.
Mais pour Bernard Kouchner, qui s'est rendu hier à Tahoua
après le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy,
le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU aurait dû réagir plus
vite. «Je dis très clairement que le système des Nations unies ne nous
avait pas alertés suffisamment», a affirmé le fondateur de Médecins sans
frontières (MSF) dans une interview à Reuters.
Au Niger, M. Douste-Blazy dénonce
l'"avarice" des pays riches
LEMONDE.FR | 31.07.05 | 09h10 . Mis à jour le 31.07.05 | 14h29
La France se mobilise en faveur du Niger affamé. Paris a signé à Niamey une
convention de 1,5 million d'euros pour le fonds alimentaire de ce pays. Cette
convention de 1,5 million d'euros s'ajoutera aux 3 millions d'euros déjà versés
par la France cette année pour le fonds de sécurité alimentaire du Niger, un
des pays les plus pauvres au monde confronté, selon l'ONU, à une famine qui
touche un tiers des 11 millions d'habitants, en grande majorité des enfants.
"INDIFFÉRENCE MORALE"
M. Douste-Blazy a signé cette convention avec son homologue nigérienne, Mme Aïchatou
Mindaoudou, après des entretiens avec le président Mamadou Tandja et son
premier ministre Hama Amadou.Le ministre a dénoncé lors d'une conférence de
presse l' "avarice maladive des pays riches, une indifférence morale et
une erreur stratégique grave" dans la gestion de cette crise au Niger, une
ancienne colonie française.
Cette catastrophe alimentaire, causée par la sécheresse et la destruction des
récoltes de 2004 par des criquets pèlerins, aurait pu être évitée, mais les
appels à l'aide du Niger et de l'ONU, lancés dès l'automne dernier, n'ont
"pas été entendus", a dit le ministre. Il a souligné que la France
était "le premier contributeur au Niger" et avait été le premier
pays à se mobiliser pour lui venir en aide.
Mme Mindaoudou a déploré devant des journalistes l'aide tardive de la
communauté internationale, y compris de la France. Le gouvernement nigérien a
pour sa part été critiqué par des ONG pour avoir sous-estimé l'ampleur de
cette catastrophe et tardé à distribuer gratuitement de la nourriture à des
personnes réduites à une extrême pauvreté. Le ministre s'est ensuite rendu
à Tahoua (centre-ouest), une des zones les plus touchées par la famine.
PROCHAINS MOIS DIFFICILES
Dans le village de Kalfou Dabagui, à une trentaine de km de la ville de Tahoua,
le ministre a remis 1,7 tonne de médicaments, notamment des antibiotiques et
des sels de réhydratation. Mais cette visite n'aura duré qu'une quinzaine de
minutes en raison d'un orage. Le ministre a ensuite très brièvement visité un
centre de Médecins sans frontières (MSF) à Tahoua, où 135 bébés et jeunes
enfants sont hospitalisés pour malnutrition.
"Nous avons de plus en plus de cas d'hospitalisation et les deux prochains
mois seront les plus difficiles en raison de la saison des pluies, propice aux
maladies", a déclaré la chef de mission de MSF, Johanne Senekes. "On
entend parfois des chiffres pas forcément vérifiés (sur le nombre de
personnes atteintes de malnutrition), on se doit de rester prudent. Parler de
famine, c'est peut-être un peu fort", a pour sa part déclaré à Niamey
le chef de délégation de la Croix-Rouge française, Laurent Devilliers.
Aucun chiffre sur la mortalité due à cette famine n'est par ailleurs
disponible. Un avion cargo affrété par la France et transportant 35,4 tonnes
de vivres est par ailleurs arrivé à Niamey dans la soirée pour quelque 30 000
enfants de moins de 5 ans, souffrant de malnutrition sévère. M. Douste-Blazy a
regagné dans la nuit de samedi à dimanche Paris, bouclant une visite de trois
jours au Tchad, au Soudan et au Niger, sa première en Afrique depuis sa
nomination au Quai d'Orsay il y a deux mois.
--------------------------------------------------------------------------------
Les choix économiques et politiques ont autant contribué à la catastrophe
que les conditions climatiques
LE MONDE | 30.07.05 | 12h05 . Mis à jour le 30.07.05 | 12h23
MARADI de notre envoyé spécial
Considérée comme l'épicentre de la pénurie alimentaire qui frappe le sud du
Niger, la ville de Maradi est aussi le point de fixation des désarrois et de
l'urgence. Vendredi 29 juillet, c'est par centaines que les mères, portant pour
la plupart sur leur dos un bébé chétif, patientaient, sous un soleil de
plomb, à l'entrée du Centre de renutrition intensive, installé sur
l'emplacement d'un stade par Médecins sans frontières (MSF).
Malgré les moyens exceptionnels mis en place par l'organisation non
gouvernementale (ONG) qui assure l'une des opérations nutritionnelles les plus
importantes de son histoire 5 centres fixes, 27 cliniques ambulatoires qui
interviennent dans les villages les plus isolés, 50 expatriés et 500 employés
locaux (médecins, infirmières, logisticiens) mobilisés dans tout le Niger ,
les cas de détresse ne cessent d'augmenter. Dans la semaine du 18 au 24
juillet, près de mille nouveaux enfants gravement dénutris ont été admis au
centre de Maradi.
ATERMOIEMENTS
C'est aussi à Maradi que se sont posés les premiers avions cargos dont
plusieurs Hercules C-130 de l'armée française affrétés par l'association
Réunir. Ils ont acheminé plusieurs dizaines de tonnes de denrées
alimentaires. Ces arrivages "sur zone" ont l'avantage de réduire les
délais mais aussi d'éviter toute "évaporation" . "Nous avons
appris que la Libye, l'Algérie, le Maroc et d'autres pays ont envoyé des
centaines de tonnes de nourriture à Niamey, mais ici nous ne voyons rien
venir !, s'indigne une mère de famille de Maradi. On dit même que le riz
offert par le Japon aurait été revendu au Nigeria."
S'il est, comme toujours en état d'urgence, très difficile de contrôler le
bon acheminement des aides internationales, on peut observer sur place que les
efforts les plus intenses et les plus efficaces sont le fait d'ONG. Mais la
situation reste préoccupante.
Les atermoiements du gouvernement nigérien pour alerter la communauté
internationale, liés, en partie, à la rivalité et aux différences de tempérament
du président Mamdou Tandja, réélu en décembre 2004, et de son premier
ministre Hama Amadou, plus réactif il a fallu attendre la déclaration de
politique générale de ce dernier, le 28 mai, pour qu'un "appel angoissé"
soit enfin lancé ne sont pas étrangers à la prise en charge tardive d'une
crise prévisible.
Le fait que les appels du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l'ONU,
chiffrant les besoins de dons à 16 millions de dollars puis à 30 millions, en
juin, n'aient pas recueilli d'écho immédiat auprès des bailleurs de fonds et
donateurs explique aussi les retards pris dans la gestion de la catastrophe
alimentaire dans ce pays sahélien où pénurie et malnutrition sont endémiques.
Aujourd'hui, 3,5 millions de personnes sur une population totale de 11,5
millions sont concernées.
"On ne peut pas littéralement parler de famine, comme en Somalie,
soulignent pourtant d'une même voix le Dr Mego Terzian, coordinateur de
l'urgence à Maradi, et Johanne Sekkenes, chef de la mission MSF au Niger, car
si, du fait des mauvaises récoltes de 2004, les greniers à mil se sont vidés,
on trouve de la nourriture sur les marchés. Le problème c'est que par sa rareté,
liée à certaines rétentions spéculatives, elle atteint des prix
inaccessibles à la population (dont 63 % vivent sous le seuil de pauvreté)."
Et ils ajoutent : Dans ces conditions, il était inconséquent, voire criminel,
de se contenter d'intensifier une stratégie de développement en mettant en
vente des céréales à "prix modérés", comme le préconisaient les
agences de l'ONU. Il fallait basculer dans une logique d'urgence en organisant
immédiatement des distributions gratuites." Le Dr Terzian va plus loin, en
estimant que c'est l'accès payant aux soins, au nom du "recouvrement des
coûts" qui est la première cause de la catastrophe actuelle. "Faute d'argent, les plus pauvres
qui sont souvent malades ne se rendent pas dans les centres de santé. Nous
voyons arriver chaque jour des enfants dans un état de malnutrition
terriblement avancé et souvent accompagné de pathologies associées : déshydratation
due aux diarrhées, infections des voix respiratoires, paludisme."
LOGIQUE NÉOLIBÉRALE
La logique néolibérale imposée au Niger par le Fonds monétaire
international (FMI), l'Union européenne et d'autres organisations mondiales, et
à laquelle sont subordonnées la plupart des aides, n'arrange rien. A peine réélu,
le président a ainsi dû instaurer une TVA de 19 % sur les denrées
alimentaires de première nécessité. Dans le même état d'esprit, les banques
céréalières locales qui servaient naguère de recours en cas de disette en évitant
la spéculation liée à la pénurie ont été mises en sommeil.
Enfin, certaines réalités sociologiques sont à prendre en compte. Au Niger, où
la religion musulmane domine, la polygamie est encore en usage et le contrôle
des naissances loin d'être encouragé. La natalité atteint des taux records
(7,5 enfants en moyenne par femme) de même que la mortalité infantile, un
enfant sur quatre meurt avant l'âge de 5 ans. Dans cette situation d'extrême
fragilité, le moindre dérèglement de la production agricole, qui occupe 70 %
de la population, est tragique.
R. B.
--------------------------------------------------------------------------------
"Personne n'a écouté" l'ONU
Avant de s'envoler pour Maradi, au Niger, avec 18 tonnes d'aide alimentaire à
bord d'un avion affrété par son association, Réunir, l'ancien ministre de la
santé Bernard Kouchner a déploré, vendredi 29 juillet, que la mise en garde
de l'ONU, en 2004, contre un risque de famine au Niger n'ait pas été écoutée
: "Personne n'a entendu. Comme d'habitude, on pense que les Africains sont
pauvres et qu'il est normal que les pauvres meurent de faim. Tout ça est dans
la logique et on ne fait rien" , a-t-il déclaré. "L'aide s'accroît,
la France envoie son ministre des affaires étrangères, c'est une grande première"
. Et de conclure : "Les ONG travaillent toujours plus vite que les Etats"
. (AFP.)
Article paru dans l'édition du 31.07.05
--------------------------------------------------------------------------------
L'aide internationale en faveur du Niger s'organise
LEMONDE.FR | 30.07.05 | 09h07 . Mis à jour le 30.07.05 | 09h07
"Personne n'a entendu l'alarme. Comme d'habitude, on pense que les
Africains sont pauvres et que c'est normal que les pauvres meurent de faim. Tout
ça est dans la logique et on ne fait rien", a déclaré à l'AFP M.
Kouchner, vendredi soir, à Marseille peu avant son départ pour le Niger.
DOUSTE-BLAZY SE REND AU NIGER
Fondateur de Médecins sans frontières, l'ancien ministre devait décoller dans
la soirée pour Maradi (nord-est du Niger) à bord d'un Antonov 12 affrété par
son association, Réunir. L'avion transporte 18 tonnes de denrées destinées spécifiquement
aux enfants dénutris (nutriment enrichi et lait thérapeutique), qui seront
distribuées en collaboration avec l'Association internationale contre la faim (AICF),
dont le directeur général Benoît Miribel accompagne M. Kouchner.
Depuis le départ de Marseille d'un premier Antonov le 20 juillet, suivi de
plusieurs autres rotations en provenance du Tchad, une centaine de tonnes de
vivres ont pu être remises au Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations
unies, a souligné M. Kouchner. "L'aide s'accroît, la France envoie son
ministre des affaires étrangères, c'est une grande première", s'est-il félicité,
estimant que "les ONG travaillent toujours plus vite que les Etats".
Le chef de la diplomatie française Philippe Douste-Blazy, qui doit quitter le
Soudan pour se rendre au Niger, a annoncé vendredi que la France allait
acheminer dès samedi plus de 35 tonnes de vivres pour 30 000 enfants nigériens
menacés par la famine. "La France dit qu'elle va aider le tiers-monde et
le budget du développement diminue sans cesse", s'est cependant indigné
M. Kouchner.
"C'est triste à chaque fois de voir qu'on a fait des grands concerts, le
grand cirque médiatique, et qu'on ne s'est pas aperçu qu'il y avait des choses
à faire pratiquement. Ce qui compte c'est l'action, pas seulement la
parole", a lancé l'ancien ministre.
Classé parmi les pays les plus pauvres du monde, le Niger est en proie à la
famine causée par une sécheresse persistante et une invasion de criquets pèlerins
qui a détruit les récoltes de 2004. La famine, qui touche le tiers des 11
millions d'habitants, aurait pu être évitée si la communauté internationale
s'était mobilisée plus tôt, selon l'ONU qui avait tiré la sonnette d'alarme
dès novembre dernier.
--------------------------------------------------------------------------------
Au Niger, une crise alimentaire sans précédent frappe des dizaines de milliers
d'enfants
LE MONDE | 30.07.05 | 12h23 . Mis à jour le 30.07.05 | 12h23
TAHOUA de notre envoyé spécial
La peau sur les os. Il n'y a pas d'autres mots, si terribles soient-ils, pour décrire
l'état de maigreur extrême de Ramatou. A 4 ans et 3 mois, l'enfant est déjà
sans âge. Lorsqu'elle est arrivée, voilà une semaine, au Centre de récupération
nutritionnelle ouvert par Médecins sans frontières (MSF), à Tahoua, à 550 km
au nord-est de Niamey, la capitale du Niger, cette petite fille touareg
originaire du village de Magar aux confins des zones d'agriculture et de pâturages
était moribonde.
En cette fin d'après-midi brûlant, c'est pourtant elle qui a insisté pour se
lever sur ses jambes squelettiques et faire quelques pas en donnant la main à
Rabietou Salah Houssen, l'une des assistantes nutritionnistes qui veillent sur
elle. Si tout va bien, Ramatou se remettra en quelques semaines ou quelques mois
de cet atroce passage à vide "malnutrition sévère" , disent les
médecins qui affecte des dizaines de milliers d'enfants de moins de 5 ans
dans le sud du Niger.
Cette zone assez fertile, paradoxalement considérée comme la "ceinture
verte" d'un pays du Sahel en grande partie désertique, connaît une crise
alimentaire sans précédent depuis les années 1980. Un arrêt précoce des
pluies lors de la saison d'hivernage (juillet-août-septembre) 2004, accompagné
d'une invasion subite de criquets pèlerins, a provoqué, à retardement, une pénurie
dramatique de mil et de sorgho ( aliments de base des Nigériens) à laquelle le
gouvernement et la communauté internationale ont tardé à répondre.
Pour compenser la "soudure" qui ne s'est pas effectuée, des tonnes de
nourriture sont désormais acheminées vers le Niger. Mais outre que leur
distribution commence à peine, il est souvent trop tard pour sauver les plus
vulnérables, c'est-à-dire les jeunes enfants, en pleine croissance. MSF est
l'une des très rares organisations non gouvernementales (ONG) à avoir pris la
mesure de la "catastrophe silencieuse" . L'ONG a multiplié les
centres de récupération nutritionnelle intensive (Creni) et les centres
ambulatoires (Crena) dans les régions les plus touchées, autour de Marabi,
Dakoro, Keita et Tahoua.
Le centre MSF de Tahoua est une sorte de camp de réfugiés où, sous quelques
immenses tentes, des centaines de "petits rescapés de la faim",
accompagnés de leurs mères, parfois de leurs grands-mères, sont pris en
charge depuis début juin.
Depuis janvier, les centres MSF ont admis 15 000 enfants et, dans l'ensemble du
pays, on estime à 800 000 le nombre d'enfants affamés, dont 150 000 souffrent
de "malnutrition sévère".
PÂTE HYPERCALORIQUE
Les petits "pensionnaires" de Tahoua sont souvent des nourrissons.
Parmi eux, Nana Farida, 8 mois, dont les pleurs sont à peine audibles.
"Lorsque nous sommes arrivés ici, voilà vingt-six jours, Nana était
presque morte , raconte Adicha, sa grand-mère. Nous habitons un village, Ilela
Oumani, à 60 km d'ici, et j'ai dû emprunter de l'argent pour payer le
taxi-brousse. On a bien pris soin d'elle et je crois qu'elle va s'en sortir.
Nous aussi, nous sommes bien nourries avec du sorgho, des haricots ou du riz, même
si le mil nous manque."
"Nous disposons ici de six médecins, dont quatre Nigériens, pour couvrir
trois départements , explique Milton Tectonibis, consultant nutritionniste en
tournée d'inspection à Tahoua. Les trois quarts des enfants sont suivis par
les équipes ambulatoires, qui se rendent, deux fois par semaine, sur cinq
points fixes couvrant chacun dix à quinze villages. Les mères y amènent en
consultation leurs enfants, qui peuvent être, ensuite, traités à domicile grâce
aux rations de "plumpy'nut", une pâte hypercalorique constituée
d'arachide, de lait, d'huile, de sucre, de minéraux et de vitamines, que nous
leur distribuons. Cet aliment, qui ne nécessite ni cuisson, ni addition d'eau,
fait des miracles. En quelques semaines, un gamin peut être tiré
d'affaire."
Lorsque les enfants quittent le centre ou sortent de la phase de
"malnutrition sévère", leurs mères reçoivent 5 kilos de farine
"unimix" à base de maïs et 5 litres d'huile d'arachide, ce qui les
incite à aller jusqu'au bout du traitement.
" Parmi les enfants qui arrivent, indique Rabietou, l'assistante
nutritionniste, beaucoup sont complètement déshydratés à la suite de diarrhées,
de vomissements ou d'accès de paludisme, fréquents durant la saison des
pluies. Depuis le début du mois de juin, nous avons déploré 19 décès."
Malgré un afflux de patients qui ne tarit pas, les équipes soignantes estiment
à 90 % les cas de guérison. Le combat contre la crise alimentaire est
cependant loin d'être gagné. "Aujourd'hui, nous avons établi un record
en faisant face à 60 admissions en ambulatoire, et je crains que, durant le
mois d'août, la situation ne s'aggrave" , raconte Cécile, une jeune
interne de MSF qui rentre tout juste d'une tournée à Abalak, à 135 km au
nord, en plein pays touareg.
Robert Belleret
Article paru dans l'édition du 31.07.05
-------------------------------------------------------------------------------
La faim et les
moyens
NIGER - 30 juillet 2005- par CHARLOTTE CANS ET
PHILIPPE PERDRIX
Tout le monde savait depuis neuf mois que les
pays du Sahel étaient menacés d’une crise alimentaire majeure. Le moins que
l’on puisse dire est que les mesures de prévention mises en œuvre n’ont
pas été à la hauteur…
« Nous n'aurions jamais dû laisser autant d'enfants mourir au Niger »,
s'indigne Jan Egeland, le coordonnateur humanitaire des Nations unies. Combien
de fois n'a-t-on entendu ce genre de propos oscillant entre amertume et exaspération
? La tragédie qui frappe le Niger est intolérable. Parce qu'elle était
parfaitement prévisible. L'imminence d'une grave crise alimentaire dans
l'ensemble du Sahel - à cause de la sécheresse et d'une invasion acridienne -
avait été annoncée dès le mois d'octobre 2004.
Au Niger, le déficit céréalier atteignait à
l'époque 223 000 tonnes, soit 7,5 % des besoins du pays. Neuf mois plus tard,
dans ce pays vulnérable et enclavé (il est classé par l'ONU à
l'avant-dernier rang mondial en matière de développement humain), près d'un
quart de la population, soit 3,5 millions de personnes, est confrontée à une pénurie
alimentaire qui a pris des proportions catastrophiques. Environ 150 000 enfants
affamés risquent de mourir si rien n'est fait dans les prochaines semaines. «
Depuis le début de l'année, révèle Johanne Sekkenes, la chef de mission de Médecins
sans frontières (MSF) au Niger, nous avons pris en charge plus de 12 000
enfants, mais au moins 10 % d'entre eux sont morts. Et la situation s'aggrave de
jour en jour. Avec l'arrivée des pluies, des maladies comme la diarrhée et le
paludisme ont fait leur apparition. Les enfants malnutris en sont les premières
victimes. » Il s'agit, selon l'ONU, de la deuxième famine la plus grave dans
l'histoire du pays.
Pourtant, dès le mois de novembre 2004, dans le
cadre du « Dispositif national de prévention et de gestion des crises
alimentaires » mis en place avec la collaboration des bailleurs de fonds et de
diverses organisations internationales, le gouvernement a lancé ce qui devait
être un ambitieux programme de vente de céréales à prix modéré. L'objectif
était double : répondre aux besoins de la population et freiner la flambée spéculative.
Cela n'a pas suffi.
Même à prix subventionné, les familles les
plus pauvres n'ont pas eu les moyens d'acheter ces céréales, qui plus est
disponibles en quantité insuffisante. « Nous ne disposions que de 23 000 t
prises sur le stock national de sécurité, explique Seidou Bakari, le
coordonnateur de la Cellule de crise alimentaire. Il nous en aurait fallu 78 000
t de plus. Nous avons alors appelé à l'aide nos partenaires, mais n'avons rien
reçu, sauf 500 t de dattes envoyées par l'Arabie saoudite. » Giancarlo Cirri,
le représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) au Niger, confirme : «
Nous avons été victimes de l'effet tsunami. Tout le monde avait les yeux braqués
sur l'Asie et le Niger a été oublié. Il a fallu attendre les images
terrifiantes d'enfants cadavériques pour enfin émouvoir la communauté
internationale. Mais ce réveil a été trop tardif. » Au début de la crise,
il aurait suffi de 1 dollar par enfant et par jour pour éviter le pire. Il faut
désormais 80 dollars. Soit un total de 30 millions, selon les Nations unies.
Mais l'indifférence et la lenteur de la
communauté internationale ne suffisent pas à expliquer l'ampleur du désastre.
Pour leur défense, les autorités nigériennes invoquent les difficultés
auxquelles elles ont été confrontées pour acheter des céréales sur un marché
sous-régional déficitaire. Trois milliards de F CFA versés, pour l'essentiel,
par l'Union européenne et par la France étaient pourtant disponibles. « Cet
argent n'a pu être utilisé à temps, plaide Bakari, parce qu'il n'y avait pas
de mil disponible au Burkina et au Nigeria, nos pays d'approvisionnement
habituels. Nous venons juste de lancer des commandes à l'international. »
Reste que les dirigeants ont beaucoup trop tardé
à réagir. Préoccupés par la préparation des jeux de la Francophonie, en décembre
prochain à Niamey, ont-ils tenté de minimiser la catastrophe humanitaire en
cours ? Dans une interview accordée à la radio La Voix de l'Amérique, au mois
de juin, le président Mamadou Tandja allait jusqu'à accuser certaines ONG
internationales de dramatiser la situation. Il a fallu attendre la visite de
Mohammed VI, le roi du Maroc, le 19 juillet, pour qu'il se rende enfin sur le
terrain, à Maradi d'abord, puis à Tahoua et Agadez. Quant au Premier ministre
Hama Amadou, ce n'est que le 28 mai, dans son discours de politique générale,
qu'il a publiquement lancé « un appel angoissé » à l'aide internationale.
Plus grave, le recours aux ventes subventionnées
- très largement inefficace, on l'a vu - vient seulement d'être abandonné au
profit des distributions gratuites. Pour des questions d'image et de fierté
nationale, le gouvernement a nié, pendant trop longtemps, l'existence de la
famine. Certains l'accusent même d'avoir utilisé les ventes à prix modéré
comme un argument électoral dans la campagne pour l'élection présidentielle
du mois de novembre. En favorisant notamment la région de Tillaberi, fief du
MNSD, le parti présidentiel.
Avec un déficit céréalier estimé à 347 000 t
- chiffre contesté par certains -, le Mali a fait mieux et plus vite que son
voisin. Plus d'un million de personnes étaient potentiellement menacées, mais,
à ce jour, « aucun enfant ne meurt de faim », estime Mohamed Haïdara,
responsable local de l'ONG Afrique verte. Même si « le pays a encore besoin
d'aide », Michel Laguesse, le directeur adjoint du PAM à Bamako, salue le
discours de vérité tenu par le gouvernement malien, qui « n'a jamais caché
la gravité de la crise ». Dès le mois de janvier, décision a été prise de
procéder à des distributions gratuites de céréales et d'exonérer de taxes
les importations. Au Niger, cette dernière mesure n'a été décidée qu'en
mars.
La situation était également très critique en
Mauritanie. Mais après trois années de sécheresse consécutives et une
invasion acridienne particulièrement virulente, Nouakchott a très rapidement bénéficié
d'une aide internationale abondante, en provenance essentiellement des États-Unis.
Pour ce pays de 3 millions d'habitants, le PAM affirme avoir reçu environ 16
millions de dollars, contre moins de 9 millions pour le Niger, dont la
population dépasse les 12 millions... De même, le Tchad a bénéficié d'une
attention particulière de la communauté internationale, en raison du conflit
au Darfour et de l'afflux massif de réfugiés dans le sud-est du pays.
Quant au Burkina, il était lui aussi menacé de
disette, dans les régions septentrionales, en dépit d'un excédent céréalier
de 60 000 t. En réponse, Ouagadougou a partiellement fermé ses frontières
pour tenter de limiter les exportations céréalières vers les pays voisins.
Cette mesure protectionniste conduit à s'interroger sur le bien-fondé de la
libéralisation totale des marchés agricoles engagée depuis les années 1980
dans le cadre des politiques d'ajustement structurel préconisées par les
institutions financières internationales. Selon Philippe Ki, responsable
d'Afrique verte au Burkina, « les effets de cette libéralisation sont dévastateurs
en cas de pénurie alimentaire. Cela favorise la spéculation, alors que les États
avaient naguère les moyens de réguler leur marché et d'imposer un prix
plafond ».
La diversité de ces crises témoigne, quoi qu'il
en soit, de la vulnérabilité structurelle de ces pays, en dépit de
l'existence d'un certain nombre d'organismes chargés d'y remédier. Le Comité
permanent inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), qui
regroupe les neuf pays de la région, est en place depuis trente ans. Chaque
pays dispose d'un système d'alerte et le PAM de représentants dans toutes les
capitales... Et pourtant, chaque année, les populations appréhendent la période
de « soudure » comprise entre les mois d'avril et d'octobre : les réserves
sont déjà épuisées et les récoltes n'ont pas encore été engrangées.
Fatalité ? Non, estime Mohamed Haïdara, d'Afrique verte : « Pour l'heure, les
politiques engagées visent surtout à soutenir le développement agricole des
zones arides, dont le potentiel est forcément limité, alors qu'il faudrait
mettre le paquet sur les zones excédentaires à fort rendement. »
D'autres spécialistes mettent en cause la
pertinence des systèmes d'alerte, qui privilégient la stabilité du marché et
surveillent davantage le déficit céréalier que l'état sanitaire des
populations. Or la malnutrition ne dépend pas uniquement de l'accès à la
nourriture, mais aussi de l'accès aux soins. Confrontés à une pauvreté endémique,
63 % des Nigériens vivent avec moins de 1 dollar par jour et 40 % des enfants
souffrent d'une malnutrition chronique.
N A T I O N S U N I E S
Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA)
Réseaux d'Information Régionaux Intégrés (IRIN)
NIGER : Le PAM augmente le nombre des bénéficiaires de l'aide alimentaire
DAKAR, le 1 août (IRIN) - Le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM)
va porter le nombre des bénéficiaires de l'aide alimentaire au Niger à 2,5
millions de personnes, soit plus du double de la cible initialement visée, a déclaré
vendredi un représentant du PAM.
D'après les autorités nigériennes, 3,6 millions d'habitants seraient confrontés
à la pénurie alimentaire. Selon les estimations du PAM, 2,5 millions d'entre
eux auraient besoin d'une aide alimentaire. C'est ce qu'a déclaré Gian Carlo
Cirri, le représentant du PAM au Niger, alors qu'il se trouvait à Niamey, la
capitale nigérienne.
Seuls 1,2 million de personnes devaient initialement bénéficier de l'aide du
PAM.
Depuis des mois, les Nations unies et les autorités multiplient les appels
d'urgence pour solliciter les bailleurs de fonds occidentaux. Ces dernières
semaines, leurs appels ont enfin été entendus : les fonds commencent à
affluer pour financer les secours d'urgence. Mais au Niger, des milliers
d'enfants sont déjà morts de faim. C'est du moins ce qu'a déclaré la semaine
dernière Jan Egeland, coordinateur des secours d'urgence des Nations unies.
Le PAM aidera d'abord les plus vulnérables, selon M. Cirri.
« Nous estimons à présent qu'environ 1,6 million sur les 2,5 millions sont
extrêmement vulnérables. Ce sont ceux-là que nous aiderons en priorité »,
a-t-il déclaré.
Au Niger, le PAM distribue de la nourriture gratuite et fournit des rations
alimentaires aux centres de nutrition thérapeutique et de nutrition supplémentaire.
L'organisation prévoit de présenter son nouveau budget aux bailleurs dans le
courant de la semaine prochaine, selon des représentants de l'agence.
Il faudra patienter quelques mois encore pour voir la fin de la période de
soudure. Cette période, toujours difficile au Niger, un pays semi-désertique
et enclavé, est encore plus rude cette année, après l'invasion de criquets et
la sécheresse qui ont dévasté les cultures et les pâturages en 2004.
Le PAM fait partie des organisations qui avaient averti la communauté
internationale, dès novembre 2004, de la nécessité de fournir une aide
alimentaire au Niger.
Les organisations humanitaires affirment à présent que la saison des pluies,
qui a commencé, pourrait favoriser la propagation de maladies. Ces maladies
pourraient elles-mêmes provoquer la mort d'enfants et de bébés déjà
affaiblis par la crise alimentaire.
Selon les estimations des Nations unies, plus de deux millions d'habitants, sur
une population totale de 12 millions, vivent avec moins d'un repas par jour et
survivent en se nourrissant de racines et de plantes sauvages. D'après le
Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA),
jusqu'à 150 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë.
Selon certains travailleurs humanitaires déployés au Niger, les fonds envoyés
en masse ces derniers jours ont permis aux organisations humanitaires de
commencer à distribuer de la nourriture aux populations qui n'avaient
jusqu'alors reçu aucune aide.
D'après certains représentants d'organisations humanitaires présents au
Niger, la soudaine mobilisation de la communauté internationale commencent à
porter ses fruits sur le terrain. Toutefois, il est trop tôt, disent-ils, pour
mesurer l'impact de l'aide sur les populations touchées.
« Maintenant, il y a une intervention énorme [à Maradi] », a déclaré
Jean-Luc Galbrun d'Action contre la faim alors qu'il se trouvait à Maradi, une
ville du Centre Sud du Niger.
Les équipes de secours d'urgence dépêchées par les ONG sont arrivées à
Maradi la semaine dernière. Elles ont déjà commencé à distribuer de la
nourriture dans les villages, pour aider, notamment, les enfants atteints de
malnutrition modérée, selon M. Galbrun.
« De toute évidence, avec ces nouvelles ressources et le flux d'activité,
l'impact de l'aide sera plus important », a déclaré M. Galbrun.
Jusqu'au début du mois de juillet, seul Médecins sans frontières avait mis en
place des opérations de secours d'urgence pour aider les populations les plus
touchées, concentrées dans le sud du pays.
Cette semaine, le PAM et d'autres organisations humanitaires internationales ont
envoyé, par avion, des centaines de tonnes de vivres et d'autres produits au
Niger.
Au cours des prochains jours, le PAM doit envoyer au Niger 70 tonnes de biscuits
énergétiques, stockés dans l'entrepôt de l'organisation, en Italie. C'est ce
qu'a déclaré vendredi un représentant du PAM. La semaine prochaine, l'agence
enverra par avion environ 185 tonnes de céréales riches en oligoélément,
provenant de stocks entreposés en Côte d'Ivoire.
Au cours des deux dernières semaines, certains pays (Australie, Belgique,
France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis.) ont
donné ou se sont engagés à donner des fonds pour le Niger.
L'agence américaine pour le développement international (USAID) a annoncé le
26 juillet dernier que les Etats-Unis octroieraient quelque 7 millions de
dollars américains pour financer l'aide alimentaire d'urgence au Niger. Un haut
représentant d'USAID s'est d'ailleurs rendu au Niger cette semaine.
Cette somme servira à acheter du sorgho, des lentilles, de l'huile et d'autres
produits alimentaires, dont certains, importés de pays voisins du Niger, seront
immédiatement disponibles, et d'autres seront acheminés depuis les Etats-Unis
par voie maritime, selon une déclaration de l'USAID.
Selon certains travailleurs humanitaires, même s'il faut en priorité lutter
contre la famine, il est également crucial d'aider le Niger à se redresser et
à mieux se protéger des catastrophes naturelles à venir.
« Nous pensons qu'il est important de mettre en place des plans d'intervention
à long terme », a expliqué Nuria Salse, une nutritionniste d'Action contre la
faim, alors qu'elle se trouvait à Tahoua, au Niger.
Nuria Salse espère que les bailleurs ne cesseront pas d'apporter leur aide aux
populations du Niger, une fois la crise passée. Elle souhaite au contraire que
la communauté internationale continue de prêter main forte au peuple nigérien
afin que celui-ci puisse réunir les ressources et construire les
infrastructures nécessaires pour qu'à l'avenir « le pire ne se répète plus
»
La France lie développement en Afrique et sécurité en
Europe
LE MONDE | 01.08.05 | 13h09 . Mis à jour le 01.08.05 | 13h09
NIAMEY de notre envoyé spécial
"La sécurité des pays riches passe par le développement des pays
pauvres" : du Tchad au Niger, avec une visite au Soudan, Philippe
Douste-Blazy a scandé ce message au cours d'un voyage qui, du jeudi 28 au
samedi 30 juillet, l'a conduit du palais présidentiel de N'Djamena à un camp
de réfugiés du Darfour (dans l'ouest du Soudan), puis dans les zones du Niger
frappées par la malnutrition.
A Niamey, où converge tardivement l'aide internationale aux populations touchées
par le double fléau de la sécheresse et d'une invasion de criquets, le
ministre des affaires étrangères a tenté le grand écart entre les gestes
symboliques et télévisés, censés témoigner de la générosité de la
France, et le discours de fond sur la nécessité d'une mobilisation financière
de grande ampleur en faveur du développement. Reculant au maximum son retour
vers Paris pour assister à l'atterrissage du Boeing 747 cargo affrété par la
France et improviser une conférence de presse dans la carlingue, devant des
montagnes de produits nutritifs et thérapeutiques, M. Douste-Blazy a aussi
trouvé de fortes paroles pour appeler à la relance de l'aide au développement
en liant cette nécessité à la lutte contre le terrorisme, en particulier
"dans la bande sahélienne" .
"Il n'y aura pas de croissance et de sécurité dans le monde occidental
(...) sans stabilisation du continent africain, a-t-il déclaré : quand
l'être humain n'a plus d'espoir, il est perméable au discours de haine et
d'intolérance. Il voit que les grandes démocraties vantent à longueur de
journée les valeurs humanitaires, solidaires, sans que cela change quoi que ce
soit sur le plan de sa destinée. Il se dit que la liberté, l'égalité et la
fraternité ne sont pas pour lui." Reliant explicitement les
attentats terroristes à la question du sous-développement, M. Douste-Blazy a
ajouté : "Mettre des caméras dans le métro pour lutter contre cette
intolérance, c'est bien. Accroître les contrôles aux frontières, pourquoi
pas ? Mais se mobiliser au Niger, au Soudan et dans toutes les zones d'extrême
pauvreté, c'est encore mieux et surtout plus efficace." Le ministre
des affaires étrangères a même invité les Français à ne pas avoir
"l'esprit tranquille" en partant en vacances parcequ'"aujourd'hui
tout le monde sait où est le malheur" .
Conséquence de cette dialectique entre sécurité et développement, l'aide aux
pays du Sud doit être accrue et ciblée sur les enjeux de l'éducation spécifiquement
celle des femmes , de la santé et de l'agriculture, a insisté M.
Douste-Blazy. Alors que la crise alimentaire nigérienne est longtemps restée
sans réponse, le ministre a dénoncé "l'avarice maladive des pays
riches" et "le manque de vision de la communauté internationale
(...) pour prévenir les crises naturelles". A ses côtés, la ministre des
affaires étrangères nigérienne, Aïchatou Mindaoudou, a affirmé que
"personne n'a rien fait, y compris la France", lorsqu'elle a
appelé à l'aide, en octobre 2004.
Tout a changé depuis que, début juillet, l'ancien ministre Bernard Kouchner
est monté au créneau : le Niger est devenu l'objet d'une âpre concurrence médiatique.
Alors que M. Kouchner était présent, lui aussi, au Niger, samedi, accompagnant
un nouvel avion d'aide alimentaire affrété par son association, Réunir, M.
Douste-Blazy a organisé en quelques heures l'arrivée du Boeing 747 cargo
contenant plus de 35 tonnes de produits destinés aux 30 000 enfants souffrant
de malnutrition sévère.
Sautant d'Airbus en Boeing puis en 4 × 4 pour aller offrir des caisses de médicaments
dans un village à 500 km de Niamey, où il est resté dix minutes, ou se faire
photographier sous une tente de Médecins sans frontières (MSF) à Tahoua, où
des enfants luttent contre la mort, M. Douste-Blazy a déclaré agir au nom
d'une "diplomatie éthique" , parce qu'"il n'y a pas une minute
à perdre lorsque des enfants vont mourir" . Mais, en même temps, il a prévenu
: "Ce n'est certainement pas par la compassion que nous réglerons le problème."
Devant ce déploiement de force politico-médiatique aussi impressionnant qu'éphémère,
un membre de la délégation nigérienne a juste soufflé : "On dirait que
vous découvrez que nous sommes pauvres..."
Philippe Bernard
Article paru dans l'édition du 02.08.05
L'aide internationale arrive lentement
LEMONDE.FR | 01.08.05 | 20h39 . Mis à jour le 01.08.05 | 20h48
Plusieurs organisations humanitaires ont entamé lundi 1er août les opérations
de distribution de l'aide alimentaire d'urgence envoyée par le Programme
alimentaire mondial (PAM) de l'ONU pour les populations affamées du Niger.
Des opérations "ciblées" de distribution gratuite ont eu lieu
dans quelques villages de la région de Tahoua, à environ 550 km au nord-est de
Niamey, la capitale, a-t-on appris lundi auprès de l'organisme onusien et
d'ONG.
Cette région est l'une des plus touchées par la malnutrition, avec celle
de Tillabéry, au nord Niamey, la capitale, et celles de Maradi et Zinder, au
sud. L'aide arrive pour l'instant au compte-gouttes car il faut plusieurs jours
pour l'acheminer par camion vers les entrepôts de stockage des ONG, puis dans
les villages.
Les rations distribuées sont destinées dans un premier temps aux enfants
souffrant de malnutrition "modérée à risque". A Barmou, village
situé à environ 30 km au nord de Tahoua, l'ONG britannique Concern a distribué
des biscuits hyperprotéinés et des sacs de farine enrichie à près de 180 mères
d'enfants malnutris "modérés". Mais de nombreuses mères venues pour
des rations familiales sont reparties déçues, ont indiqué des témoins sur
place.
"ON EST DANS L'URGENCE"
Les ONG n'ont pas encore reçu du PAM les stocks nécessaires à la distribution
de rations familiales, soit de quoi nourrir une famille de huit personnes.
"On est dans l'urgence", a estimé le directeur général d'Action
contre la faim (ACF-Espagne), Benoît Miribel, dont l'organisation humanitaire
commencera mardi à distribuer des vivres à d'autres enfants malnutris dans un
village près de Keïta, à environ 50 km à l'est de Tahoua.
"Il faut agir vite. Encore une fois, ce sont les personnes les plus
pauvres et les plus dépendantes qui sont les plus vulnérables, ceux qui n'ont
plus d'argent, qui vendent leurs effets personnels", a-t-il déploré.
Dans les prochains jours, ACF devrait élargir ses opérations pour cibler
des familles entières dans 19 villages de la région. Le PAM continuait lundi
à expédier par camions l'aide alimentaire d'urgence arrivée par avion à la
fin de la semaine dernière à Niamey, dont 70 tonnes de biscuits hyperprotéinés.
DISTRIBUTION DE 2 000 TONNES DE RIZ
Au total, l'organisme onusien compte distribuer dans les prochains jours plus de
4 000 tonnes de vivres destinées aux zones les plus affectées du pays, dont 2
000 tonnes de riz et 550 tonnes de pois cassés.
Aucune statistique officielle de mortalité n'est disponible. L'ONU estime
cependant à plus de 3,5 millions le nombre de personnes menacées de famine.
Sur 800 000 enfants concernés, 150 000 d'entre eux souffrent de grave
malnutrition "modérée à risque" ou "sévère", toujours
selon l'ONU.
Les spécialistes parlent de famine "cachée" car elle touche
pour l'instant les plus vulnérables, essentiellement les enfants de moins de
cinq ans. "Il y a des populations qui ne mangent plus qu'une fois par jour.
Certains, dans d'autres régions plus au nord, se nourrissent de racines. Il ne
faut pas attendre que cela se dégrade davantage", a souligné le directeur
général d'ACF
En effet, le mil et le riz sont les principaux aliments de base dans cette région, une des plus touchées par la crise alimentaire aiguë que connaît le Niger.
C'est la troisième visite du président Tandja dans les régions touchées par cette crise, après Maradi (centre), Tahoua et Agadez (nord), rappelle-t-on.
Le chef de l'Etat qui a entamé ce périple en hélicoptère, visitera les localités de Filingue, Banibangou, Ouallam et Abalak.
A Filingue, première étape de son périple, le président Tandja a évoqué, devant les populations, la situation alimentaire "très critique" au Niger, pays qui fêtera le 45ème anniversaire de son indépendance le 3 août prochain.
Il a ensuite parlé des efforts déployés par le gouvernement nigérien, en partenariat avec les bailleurs de fonds, pour juguler cette crise alimentaire qui touche plus de trois millions de personnes.
En ce qui concerne la distribution gratuite des vivres, la région de Tillabéri a reçu 7 095 tonnes de vivres, toutes céréales confondues, pour une population de plus d'un million d'habitants répartie dans 481 villages.
Pour la campagne agricole 2005-2006, le taux de couverture est de 99,8% dans cette région; seuls deux villages, situés dans l'extrême-nord, n'ont pas encore semé à ce jour.
Le chef de l'Etat a entamé cette visite d'évaluation de la crise alimentaire dans le pays, depuis le 26 juillet dernier, rappelle-t-on.
La famine du Niger pourrait s'étendre
O.M.
«En l'absence d'une intervention immédiate et massive, la crise alimentaire du Niger risque de se propager dans la région, et de toucher des pays voisins.» Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a tiré lundi la sonnette d'alarme.
La famine toucherait actuellement 3,5 millions de personnes au Niger, selon l'Onu. L'aide internationale commence à arriver, mais trop lentement et trop tard, certains cas de malnutrition devenant très préoccupants. Philippe Douste-Blazy, ministre français des Affaires étrangères, dénonçait ce week-end encore «l'indifférence et l'avarice maladive des pays riches». «Regardez, voilà ces enfants dont tout le monde se fout!», s'était exclamé samedi Bernard Kouchner, cofondateur de Médecins sans frontières, en visite dans le pays.
Situation «comparable»
Nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour dénoncer le décalage entre les belles promesses et les gestes concrets, entre l'image forte d'un live 8 mondial et la surdité de la planète aux appels venus de la région du Sahel. L'association Reporters sans frontières a même acheté de l'espace publicitaire dans les médias pour... sensibiliser les journalistes eux-mêmes au drame qui se joue dans le Sahel.
Si l'aide arrive enfin au Niger, elle pourrait désormais être retardée... par les pluies torrentielles qui s'abattent sur le pays depuis lundi. Ces perturbations réveillent l'espoir pour la prochaine récolte, bien sûr, mais elles retardent aussi la progression des camions chargés d'aide alimentaire qui doivent effectuer plus de 500 kilomètres depuis la capitale, Niamey, sur des routes peu praticables.
Après le Niger, quatre autres pays sont susceptibles de connaître de sérieux problèmes ces prochaines semaines: le Nigéria, le Mali, le Burkina Faso et la Mauritanie. Cette semaine, le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'Onu parlait de 1,1 million de personnes dans le besoin au Mali et d'un demi-million au Burkina Faso. En Mauritanie, le Programme alimentaire mondial prédit que 60 pc des familles en zone agricole n'auront pas assez à manger l'an prochain. Rentrant d'une mission d'exploration en Mauritanie, Martin Desmet, responsable du pool «urgence» de Médecins sans frontières Belgique expliquait lundi au «Soir» que «la situation y est fort comparable à celle du Niger il y a quelques mois». Une évaluation est en cours au Mali.
Tous les pays de la région souffrent en réalité des mêmes maux. «Les pays du Sahel figurent parmi les plus pauvres d'Afrique, rappelle Martin Desmet. Chaque année, une proportion importante de la population a des problèmes pour survivre avant la récolte. Et si la sécheresse ou des sauterelles viennent s'ajouter à une situation déjà difficile, c'est la catastrophe.»
© La Libre Belgique 2005
Reportage sur la situation
de la famine au Niger
Vente de céréales et
d'aliments bétail fortement subventionnée initiée par le bureau de la Coopération
suisse
Une providence pour les pasteurs
Le soleil était encore au zénith. Quelques hommes avaient fini de courber la 2èmeprière
de la journée, avant de prendre place à l’ombre d’un hangar, les uns
assis, à même le sol, les autres couchés sur des nattes de fortune. Il
faisait chaud, très chaud même, ce samedi 16 juillet 2005. Et rien n’indique
que nous sommes en pleine saison des pluies. Rien, non plus, n’indique que
nous sommes à Talcho, dans la commune urbaine de Filingué. Cette bourgade de
quelques milliers d’âmes, située à quelques encablures de Filingué était
bien connue pour être une zone de productions céréalières.
Royal, Alio Sarki, chef de village de Talcho, est assis au milieu de ses sujets.
Rien, ni l’angoisse de la famine et des lendemains incertains, ni même les
signes de pauvreté que symbolisent les haillons qui cachent mal leurs corps
squelettiques, n’ont réussi à entamer le moral et la dignité de ce quadragénaire.
A la question de savoir quelle est la situation alimentaire dans son village, il
devient soudain pensif. Le regard lointain, il finit par lancer : « Rouga (NDLR
: il s'agit du coordonnateur de l'Association de redynamisation de l'élevage au
Niger), n’eut été l’aide alimentaire que vous nous avez apportée, vous ne
trouveriez personne dans ce village ». Pourtant, Talcho était l’incarnation
même de l’abondance. Et Alio Sarki se souvient comme si c’était hier : «
Il fut une époque où nos greniers ne désemplissaient pas. Pour quelques
bottes de mil, nul besoin de l’autorisation d’un parent ou d’un voisin. Tu
peux t’en servir à volonté, dans leurs greniers et les en informer un beau
jour au hasard ou au détour d’une conversation. Aujourd’hui, tu te hasardes
à faire la même chose on te traitera de voleur », lance-t-il, amer. Assis au
milieu de ses suivants, le regard hagard, marqué du sceau de la cécité, il
poursuit sur un ton empreint de nostalgie : « Il en est de même du lait.
C’est un produit qui ne se vend pas à Talcho. Après le strict nécessaire
pour la consommation des ménages, le reste est déversé dans les mares. On ne
peut pas en dire de même aujourd’hui. Hommes et animaux subissent au
quotidien les affres d’une famine sans précédent. », dit-il.
Secourus mais non soignés
Talcho, une des zones les plus déficitaires du département de Filingué est un
des villages à avoir bénéficié de ces opérations, initialement destinées
aux éleveurs pasteurs. Quelques six tonnes de céréales, dont trois tonnes de
riz et trois tonnes de farine de manioc y ont été ache-minés en mai dernier.
« Une goûte d’eau dans un océan de besoins alimentaires», souligne Maïssamari
Harouna, agriculteur. Le sac de riz a été vendu à 6500 FCFA, celui de farine
de manioc à 12.500 FCFA. Nous sommes très contents de cette initiative, qui,
du reste, nous a permis d’entamer les travaux champêtres dans de bonnes
dispositions d’esprit. Mais comme on a l’habitude de dire « ventre creux
n’a point d’oreilles », et nous aimerions bien que le Bureau de la Coopération
Suisse multiplie ce genre d’opérations dans les villages sédentaires comme
il le fait avec les éleveurs pasteurs. La famine ne fait pas de différence
entre hommes et animaux, encore moins entre éleveurs et sédentaires »,
ajoute-t-il.
Une aide fort appréciée
Fidèle à son principe de responsabiliser les acteurs à la base (empowerment),
le bureau de la coopération Suisse(BUCO) a mis à la disposition des
associations et collectifs d’ONG agissant dans le domaine de l’élevage
187.906.200 FCFA pour l’achat et la vente de céréales et aliments bétail à
l’intention des éleveurs pasteurs des départements de Filingué (région de
Tillabéri), Dakoro et Guidan-Roumji (région de Maradi). Ainsi 536 tonnes de
vivres et aliments bétail ont été mises en vente dans le seul département
de Filingué en mai, juin et juillet, et 460,4 tonnes à Dakoro et Guidan-Roumji,
pendant la même période. Après chaque opération de vente, la somme collectée
est ensuite réinjectée dans l’achat d’autres vivres et aliments bétail.
Ainsi les Départements de Filingué, Dakoro et Guidan-Roumji ont bénéficié
chacun de quatre opérations d’aide fortement subventionnées.
Des opérations humanitaires de proximité
Pour faire face à la situation de crise alimentaire, le Bureau de la Coopération
Suisse a mis à la disposition des éleveurs pasteurs du départe-ment de
Filingué plusieurs tonnes de céréales et aliments bétail composés de mil,
de farine de manioc, de son de blé, de graines de coton, de tourteaux…à des
prix très modestes, qui tiennent compte de leur pouvoir d’achat. Plusieurs
objectifs sont visés à travers cette opération : faciliter aux éleveurs
l’acquisition des denrées alimentaires, préserver une partie du capital
bétail
en réduisant la vente à vil prix, prévenir l’exode des éleveurs…«Depuis
que les vivres et aliments bétail du Bureau de la Coopération Suisse ont
commencé à nous parvenir, les éleveurs regagnent progressivement leurs
campements. Les animaux ne sont plus bradés sur les marchés comme par le passé.
Il n’y a même plus de raison pour vendre nos animaux. Nous le faisions parce
que c’est tout ce dont nous disposons et à même d’être échangé contre
la nourriture. A présent plus rien ne nous oblige à vendre notre bétail, et
s’il nous arrivait de mettre un seul cabri sur le marché c’est pour le
vendre à son prix réel. La peur des lendemains a fait place à l’espoir.
Nous avons même constaté une augmentation de la production laitière de notre
bétail. Pourvu que ces opérations se poursuivent », a poursuivi Rouga Barthy.
La famine a été une occasion pour certains spéculateurs qui pensent faire
fortune sur le dos des populations. Binga Rounga, un autre éleveur rencontré
à Ikarfane, tout en marquant sa satisfaction pour l’opération lancée par
le Bureau de la Coopération Suisse, est amer pour avoir été abandonné aux
commerçants véreux : « Il faut refuser l’évidence pour ne pas reconnaître
combien cette aide du Bureau de la Coopération Suisse a amélioré nos
conditions de vie et celles de nos animaux. Nous étions livrés à nous mêmes,
alors même que la situation était telle qu’il nous était impossible
d’assurer la pitance quotidienne de nos familles respectives. Nos animaux
maigrissaient et mouraient, sous nos yeux, de famine. Les commerçants se
frottaient les mains parce que le prix des céréales ne cesse de flamber. Le
prix de certains animaux ne dépassait guère celui d’une pintade en temps
normal. Personnellement, j’ai vendu une vache à 7.500 FCFA. En d’autres
temps, elle coûte 150.000 FCFA, voire 200.000 FCFA…Il nous arrivait de
parcourir des centaines de km pour emmener nos animaux sur les marchés, et en
fin de journée les avoir sur les bras, faute d’acquéreurs. La plupart
mouraient sur le chemin du retour, par l’épuisement, la soif et la faim »
affirme t-il. D’un point de vue économique, on peut noter qu’en raison de
la famine, le cheptel nigérien a pris un sérieux coup. A titre indicatif, un
éleveur qui perdrait par exemple 43 vaches sur un troupeau de 50, mettra 10 ans
pour reconstituer l’équilibre de son cheptel, dans les conditions normales.
Mais Tifossaye Ag Almimoune, un éleveur de la même localité est plus catégorique
: « Nous avons appris que l’Etat a organisé une opération de vente de céréales
dans la zone. Mais elle a été circonscrite dans les centres urbains. Seuls les
éleveurs qui, incidemment, étaient dans la zone ont pu se procurer quelques
tia (NDLR : mesures) de mil. Ce qui n’est pas le cas chez nos voisins du Mali
», a-t-il relevé.
« L’appui du Bureau de la Coopération Suisse a complètement coupé
l’herbe sous les pieds des commerçants véreux. Les prix des aliments bétail
n’ont jamais connu une hausse aussi importante ici. Ils avaient pris les éleveurs
à la gorge. Heureusement les aliments bétail du Bureau de la Coopération
Suisse sont arrivés en grande quantité et à des prix à portée de nos
bourses. Du coup, tous ces commerçants se retrouvent avec leurs stocks sur les
bras. Leurs magasins en sont pleins. Plus aucun éleveur ne s’intéresse à
leurs produits. La mort dans l’âme ils ont dû revoir leurs prix à la
baisse. C’est le deuil des commerçants véreux ici », confie pour sa part,
un agent du service d’élevage de la Commune rurale d’Abala. Il indique que
les prix des animaux ont connu une baisse alarmante entre mai et début juillet.
Le prix du taureau est passé de 221.000 FCFA à 157.000 FCFA, le taurillon de
155.000 à 71.000 FCFA, le bouc de 23.000 à 7.000 FCFA, le chameau de 231.000
à 164.000 FCFA, la chamelle de 167.000 à 98.000 FCFA…
Situation difficile dans la région de Maradi
Mais la situation du département de Filingué n’est pas un cas unique. Les
populations des départements de Dakoro et Guidan-Roumji (ré-gion de Maradi)
particulièrement les éleveurs, connaissent une situation similaire, voire plus
grave. Le département de Dakoro est par excellence la zone du pastoralisme et
de l’agro-pastoralisme de la région de Maradi. Cette situation géographique
et surtout la présence de la vallée de la Tarka qui le traverse d’Est en
Ouest, font de ce département un lieu privilégié de repos des pasteurs en
transhumance vers le Sud, après la période des récoltes pour remonter vers le
Nord au moment de l’installation de la saison des pluies dans les zones
agricoles. A cet effet, plusieurs couloirs de passage (régionaux, comme
internationaux) y convergent. C’est l’une des raisons qui ont conduit la
coopération Suisse à en faire la zone d’intervention privilégiée du
Programme d’Appui au Secteur de l’Elevage (PASEL). Plus qu’ailleurs dans
la région, le département de Dakoro a été durement frappé par la crise
alimentaire consécutive au déficit pluviométrique et à l’invasion
acridienne enregistrés au cours de la campagne agricole 2004-2005.
Les bénéficiaires de cette aide sont notamment les éleveurs des groupements
Kel Gress, Kel Férouane, Ketemerkess, Bororo, Serkin Raffi, Serkin Zongo (Dogon
Farou) et Peul Toda. Ces deux derniers sont dans le département de
Guidan-Roumji. 460,4 tonnes de céréales et aliments bétail, composés de mil,
de farine de manioc, de son de blé, de graines de coton et de riz ont été
vendus aux pasteurs et aux agro-pasteurs à prix modéré, entre juin et juillet
2005. Au total, ce sont 10.000 ménages dans le Départe-ment de Filingué, et
7.600 ménages dans les Départements de Guidan Roumji et Dakoro qui en ont bénéficié.
Cependant, malgré l’importance de cet appui, beaucoup reste encore à faire.
Eleveurs et agriculteurs en redemandent, au regard des effets dévastateurs
d’une nature rendue austère par une campagne agropastorale désastreuse.
Pour mettre définitivement à l’abri les hommes et les animaux. Mais au delà
de la réponse à cette situation d’urgence, quelle action d’urgence pour
une sécurisation des populations ?
Gorel Harouna
Opérations vente de céréales et d'aliments bétail fortement subventionnée
Les populations bénéficiaires apprécient
Pour les pasteurs nomades comme pour les populations sédentaires du département
de Filingué, l'aide alimentaire fortement subventionnée apportée par le
bureau de la Coopération Suisse a constitué une véritable bouffée d'oxygène.
Elle a notamment permis aux habitants des localités touchées par les
interventions ainsi qu'à leurs animaux de reprendre goût à la vie et
d'envisager l'avenir avec beaucoup d'optimisme. Jugez-en à travers ces témoignages
recueillis par notre reporter...
M. Boubacar Sodja, chef de village, Toukounouss
"Les vivres de la Coopération Suisse sont arrivés au bon moment"
Le Républicain : Votre village connaît présentement une crise alimentaire qui
affecte, apprend-on aussi bien les hommes que les animaux. Avez-vous reçu une
aide quelconque en vivres ?
M. Boubacar Sodja : L’aide la plus significative que nous avons reçue
provient de la Coopération Suisse. Mais je dois vous dire que nous avons dû
batailler dur pour en bénéficier. En effet au départ ils nous ont fait
comprendre que l’aide était destinée uniquement aux éleveurs pasteurs.
C’est ainsi que ceux-ci ont bénéficié de deux opérations de vente, les
unes plus importantes que les autres. Mais comme nous élevons également des
animaux et que nous avons faim, nous avons estimé que c’est injuste, vu que
nous vivons les mêmes conditions. Les éleveurs pasteurs aussi bien que nous
autres sédentaires, leurs animaux aussi bien que les nôtres, partageons un dénominateur
commun : la pauvreté et la famine. Fort heureusement notre appel a été
entendu et lorsque la 2ème opération a eu lieu, nous avons bénéficié de
riz, de grains de coton et de farine de manioc. Nous nous sommes organisés pour
acheter des sacs que nous avons ensuite revendus à la tia aux populations.
Avant l’intervention de la Coopération Suisse, avez bénéficié des aides de
l’Etat ou d’autres Ong ?
Nous avons bénéficié d’une opération de vente de céréales organisée par
l’Etat. Mais je vous dis tout de suite que cette opération s’est tenue une
seule fois et il n y avait que du mil malgré les Est-ce qu’on peut dire que
l’aide apportée par la Coopération Suisse a été d’un grand secours pour
vous et pour vos animaux ?
Personnellement, je peux le dire et nul dans ce village ne peut soutenir le
contraire. Figurez-vous que la campagne agricole a été désastreuse. Nous
n’avons presque pas récolté. Les maigres réserves que nous avions se sont
épuisées très vite. Nos greniers étaient vides et il n’y avait plus de pâturage
pour nos animaux. Ici comme dans tous les villages environnants, les hommes se
sont rabattus sur le «anza» qui était au menu toute la journée. C’est
pourquoi nous considérons que les vivres de la Coopération Suisse sont arrivés
au bon moment. Malheureusement, c’était insuffisant, parce que nous avons
tout con-sommé en 48 heures. Mais nous gardons l’espoir que d’autres opérations
vont suivre.
M. Djibo Issa, 27 ans, leveur Toukounouss
«S’il nous arrive de mettre un seul cabri sur le marché aujourd’hui,
c’est pour le vendre à son prix réel»
Le Républicain : La zone de Filingué traverse une dure période de crise
alimentaire qui affecte aussi bien les hommes que les animaux. Comment
faites-vous pour faire face à cette situation ?
M. Djibo Issa : Nous sommes soutenus pendant ces moments difficiles par la Coopération
Suisse, à travers AREN, qui a organisé à notre profit plusieurs opérations
de vente de céréales à prix modéré ainsi que des aliments bétail pour nos
animaux. Nous avons bénéficié de mil, de la farine de manioc, du son de blé,
de grains de coton, du tourteau…
Lorsque les stocks sont arrivés, il a été de-mandé à tous les éleveurs de
se présenter pour s’enquérir des modalités de vente. Nous avons très
facilement fait le calcul pour que tout le monde puisse en bénéficier. Lors de
la première opération chaque éleveur a reçu deux sacs de tourteaux et un sac
de mil.
Est-ce qu’on peut dire que cette aide a amélioré la situation de vos animaux
?
Cette aide nous a beaucoup soulagés ; elle a facilité l’élevage parce que
vous n’êtes pas sans savoir qu’il n y a plus de pâturage à cause
notamment de la sécheresse. La Coopération Suisse, à travers AREN, a mis à
notre disposition des sacs de son de blé et de tourteaux, indispensables pour
l’alimentation de nos animaux. Comme vous le savez, ces aliments coûtent
excessivement cher sur le marché. Nous n’avions pas de nourriture, nos
animaux manquent de lait ; nous étions obligés de les mettre sur le marché
pour acheter de quoi manger. Or comme vous le savez, le prix des céréales a
flambé, le sac de mil, par exemple, coûte 32.000f CFA. Il faut donc quatre à
cinq petits ruminants pour avoir un seul sac. Nous parcourions des centaines de
km derrière nos troupeaux pour les faire paître parce qu’il n y a rien ici.
Depuis que la Coopération Suisse a commencé ces opérations de vente de céréales,
les éleveurs ont regagnent progressivement les campements. Les animaux ne sont
plus bradés sur le marché comme par le passé. Il n’y a même plus de raison
de vendre nos animaux.
Nous le faisions parce que c’est tout ce dont nous disposons et qui est à même
d’être échangé contre la nourriture. Aujourd’hui, nous avons des sacs de
mil, de farine de manioc, de son de blé, de grains de coton, de tourteaux…Le
tout à prix modéré. Plus rien ne nous oblige à vendre notre bétail. Et
s’il nous arrive de mettre un seul cabri sur le marché aujourd’hui, c’est
pour le vendre à son prix réel. La peur du lendemain a fait place à
l’espoir. Nous avons même remarqué une augmentation de la production laitière
chez nos animaux. Pourvu que ces appuis se poursuivent.
Propos recueillis par Gorel Harouna
Abdousalamou Souleymane Bontachi, 40 ans, agriculteur, Sabongari
"Ventre qui a faim ne peut point travailler la terre"
Le Républicain : Il y a quelques jours des opérations de vente de céréales
à prix modéré se sont déroulées ici. Qui les a organisées ?
Abdousalamou Souleymane Bontachi : Il y a eu d’abord une opération de vente
organisée par l’Etat. Nous avons reçu du mil à raison 10.000f CFA le sac.
Après, la Coopération Suisse a acheminé plusieurs tonnes de vivres composées
de riz et de farine de manioc. Pour la distribution, nous avons subdivisé le
village en cinq quartiers. Chaque quartier est composé de 43 personnes qui achètent
les sacs pour les redistribuer de façon qu’il n’y ait pas de
discrimination. Mais je dois tout de suite vous signifier que l’aide de la
Coopération Suisse a été un véritable baume pour nos cœurs parce qu’elle
nous a trouvé dans des difficultés indescriptibles. La famine avait atteint un
stade où nous passions la journée sans manger. Nous n’avions que le «anza»
(NDLR : fruits sauvages et amers). Le mil est bien présent sur le marché,
malheureusement le prix était inaccessible pour nos bourses. Le sac se vend à
32.000f FCA.
Vous imaginez aisément le désarroi et la désolation pour les pères de
familles que nous sommes de regarder, impuissants, nos femmes et nos enfants
passer la journée sans manger, alors qu’il y a du mil sur le marché. Le
comble, c’est que nous n’avons pas assez d’animaux à mettre sur le marché
pour acheter de la nourriture. Si les travaux champêtres avaient effectivement
démarré nous aurions pu envoyer tous les bras valides du village dans les
champs de ceux qui disposent d’un peu de moyens pour y travailler, moyennant rétribution.
Et cet argent nous aurait permis de nous procurer des vivres sur le marché.
C’est pourquoi je vous dis que l’aide de la Coopération Suisse nous a été
d’un grand secours. Elle a amené non seulement du riz mais aussi de la farine
de manioc pour 6500f CFA le sac de riz et 12500f celui de farine de manioc.
Le Républicain : Est-ce que cette aide a eu un effet bénéfique sur le
reliquat d’animaux qui vous restait ?
Bien sûr ! parce que je vous dis que si l’aide de la Coopération Suisse n’était
pas arrivée ce jour là, tout ce que notre village compte comme animaux allait
être sur les marchés pour y être bradés parce que comme vous le savez les
commerçants profitent toujours de ce genre de situations pour nous déposséder
de nos animaux à vil prix. Je dirai simplement que nos animaux aussi ont eu la
vie sauve.
Un nombre assez important de jeunes de votre village ont, semble-t-il, pris le
chemin de l’exode du fait de la famine afin de porter secours aux parents restés
au village. Est-ce que cet exode se poursuit encore mal-gré l’aide apportée
par la Coopération Suisse ?
Vous auriez dû poser cette question aux con-cernés eux-mêmes, c’est-à-dire
les jeunes. Mais je peux vous dire que de tout temps ce qui pousse nos enfants
à l’exode, c’est la pauvreté et le désœuvrement. Mais cette année, il y
a eu un effet conjugué de la sécheresse et de la famine. Aucun jeune digne de
ce nom ne peut rester les bras croisés face à un tel drame. Le taux d’exode
des jeunes de notre village n’a jamais été aussi important. Presque tous étaient
partis. D’autres étaient sur le point de partir lorsque l’aide de la Coopération
Suisse est arrivée. Ce qui a freiné leur ardeur, c’est surtout l’idée
selon laquelle d’autres opérations de vente de céréales avec des tonnages
beaucoup plus importants allaient suivre. Tous ont alors décidé de rester pour
se consacrer aux travaux champêtres qui viennent de démarrer. A l’heure où
je vous parle, il y a treize qui sont revenus de l’extérieur parce qu’ils
ont entendu parler de cette aide. Ils sont présentement aux champs, vous pouvez
aller les interroger. Les autres sont attendus dans les tout prochains jours.
C’est pour vous dire que si la Coopération Suisse respecte son engagement qui
est celui de poursuivre les opérations, plus personne n’abandonnera ce
village. Parce qu’il faut savoir aussi que tous ces jeunes sont mariés et ce
n’est jamais de gaieté de cœur qu’on abandonne sa femme et ses enfants
pour aller en aventure. Alors si vous travaillez à la Coopération Suisse
aidez-nous, si vous êtes leur porte-parole, dites-leur que nous avons plus que
jamais besoin de leur aide. L’hivernage est en train de s’installer petit à
petit, et nous avons besoin de cette aide pour bien travailler, car comme on dit
ventre qui a faim n’a point d’oreilles. Et nous, nous disons que ventre qui
a faim ne peut point travailler la terre.
Appuis de la Coopération Suisse
Une bouffée d'oxygène pour le secteur de l'élevage
La campagne agricole 2004-2005 restera sans doute à jamais gravée dans la mémoire
des Nigériens. Caractérisée d’une part par une pluviométrie faible, précoce
et mal répartie dans l’espace et le temps sur une grande partie du territoire
national, et d’autre part par une invasion acridienne qui a anéanti les
espoirs de plus d’un producteur rural, cette campagne a eu pour con-séquence,
un déficit aux plans céréalier et fourrager sur l’ensemble du pays.
La suite logique de cette situation est une crise alimentaire aiguë aussi bien
pour les hommes que pour les animaux, avec comme effet immédiat une famine généralisée
dont les premières victimes sont les femmes, les enfants et les pasteurs.
Cependant, les effets de ce désastre sont beaucoup plus perceptibles chez les
éleveurs pasteurs, qui du fait de leur éloignement des centres
d’approvisionnement et de service vont de souffle en souffle jusqu’à leur
dernier souffle, eux et leurs animaux. « La situation alimentaire avait atteint
un stade critique aussi bien pour les hommes que pour les animaux. La famine sévis-sait
dans toute la région. Il n’y avait ni nourriture ni pâturage. Le prix des céréales
et des aliments bétail a connu une augmentation drastique sur les marchés,
inaccessible pour nos maigres bourses. Parallèlement le prix des animaux a
connu une baisse vertigineuse. Les animaux n’avaient guère plus que la peau
sur les os. Il fallait mettre quatre à cinq vaches sur le marché pour avoir un
sac de mil, dont le prix est encore à 32.000 FCFA. Depuis que le Bureau de la
Coopération Suisse a démarré ces opérations de vente de céréales fortement
subventionnées, nous ne conduisons plus nos animaux aux marchés pour les
brader. Chaque fois, des éleveurs de tous horizons viennent me voir pour
témoigner
leur reconnaissance et leur gratitude au Bureau de la Coopération Suisse. Ils
disent n’avoir jamais été aussi soulagés», affirme Rouga Barthy,
coordinateur AREN du Département de Filingué.
A lui seul le département de Filingué a enregistré un déficit céréalier
de 4.295 tonnes, pour une population estimée à 472.628 habitants, soit un
besoin de 116.222 tonnes, selon M. Moussa Diallo, chef service Développement
agricole de Filingué. Quant au déficit fourrager, il est évalué à 275.240
tonnes, pour 278.714 unité bétail tropical (UBT), soit un besoin de 473.814
tonnes, selon la même source. Pour pallier ce drame, que d’aucuns n’hésitent
pas à comparer à celui qui a prévalu dans les années 1973-1974, certains
collectifs d’ONG et associations agissant dans le domaine de l’élevage,
notamment l’Association pour la Redynamisation de l’Elevage au Niger (AREN)
dans le département de Filingué et CAPONG dans les départements de Dakoro et
Guidan-Roumji ont accordé leurs violons au travers d’une requête de
financement d’aide alimentaire d’urgence à la Coopération Suisse.
Depuis janvier 2005, le Bureau de la Coopération Suisse a lancé un processus
de négociation avec ses partenaires. Une réunion entre les différentes
parties tenue du 26 au 30 janvier dernier au Bureau de Coopération de l’Ambassade
Suisse pour faire le diagnostic, et déterminer le mouvement probable des éleveurs
pasteurs au cours des mois de mai et juin, a été sanctionnée par
l’acceptation de cette requête, dont la traduction est le démarrage des opérations
de vente de céréales et aliments bétail en mai 2005.
L’intervention de la Coopération Suisse cadre bien avec le dispositif mis en
place par la Cellule Crises alimentaires, logée au cabinet du premier ministre.
En concertation avec celle-ci, la Coopération Suisse a travaillé avec les
organisations pastorales. L’expérience du partenariat entre la Coopération
Suisse et les organisations d’éleveurs, et les sites choisis qui étaient des
sites sensibles, ont permis de mieux toucher les populations nécessiteuses.
La stratégie adoptée a consisté à porter l’information de hameau en
hameau, une semaine auparavant, par des personnes préposées pour cette tâche,
qui à dos d’âne qui à vélo qui à dos de chameau sur l’organisation de
ces opérations, et les lieux ciblés. Au-delà du monde pastoral, les sédentaires
ont été aussi concernés. A titre d’exemple, 29 villages sédentaires du Départe-ment
de Filingué ont bénéficié de l’aide. Il est important de noter que ces
moments de famine ont été particulièrement ceux de solidarité entre éleveurs
et agriculteurs, deux communautés qui partagent le même destin, mais dont on a
tendance à croire qu’elles sont faites pour s’entredéchirer perpétuellement.
G.H
Tchousso Baléri, groupement Gorkobé III, Ikarfane
«Nous n’avons plus besoin d’aller loin pour brader nos animaux contre des
vivres»
Le Républicain : Il y a quelques semaines, la Coopération Suisse a organisé
des opérations de vente de céréales et aliments bétail à prix modéré.
Est-ce votre groupement a bénéficié de ces opérations ?
Tchousso Baléri : Nous avons bénéficié de mil, de farine de manioc, de son
de blé, du tourteaux. Je dois préciser que c’est la première fois que nous
bénéficions de ça. Vous savez que la situation alimentaire a été difficile
aussi bien pour nous que pour nos animaux. Tous les veaux qui ont été mis bas
pendant cette période sont morts parce leurs mères n’ont pas de lait pour
les nourrir. Nous n’avions d’autre choix que le mil, qui est vendu à
32.000f CFA ici comme dans toute la zone. Or chaque fois que vous constatez une
flambée du prix des céréales, celui des animaux baisse inévitablement. Il
faut vendre quatre ou cinq animaux pour avoir un sac de mil.
On peut alors dire que l’aide de la Coopération Suisse a été la bienvenue
?
Absolument ! Ce fut un grand soulagement. Beaucoup de nos animaux étaient sur
le point de mourir lorsque les aliments bétail sont arrivés. Il a suffi de
deux rations de son de blé pendant deux jours pour que nos animaux retrouvent
santé et vigueur. Il en est de même des éleveurs. Nous n’avons plus besoin
d’aller loin pour brader nos animaux contre des vivres. Ceux qui en ont besoin
savent où nous trouver. Et nous fixons nos propres prix selon la valeur de
l’animal. Si ces opérations se poursuivent, nous ne serons même plus obligés
de vendre nos animaux. Parce qu’une seule vache vendue à son prix normal nous
permet d’acheter plusieurs sacs de mil, de farine de manioc, de son de blé,
de grains de coton, etc. Ce qui n’est pas le cas des céréales vendues sur le
marché.. Même si nous devrions vendre nos animaux, ce sera pour faire face à
d’autres dépenses.
Cela signifie aussi que l’exode des éleveurs a diminué ?
Tout à fait ! Il n’y a plus de raison d’abandonner nos campements dans la
mesure où nous avons tout ce dont nous avons besoin. Même pour les marchés
hebdomadaires, nous ne dé-passons guère Ikarfane, Chimbirkawane, Abala, et
c’est tout. Après, on rejoint nos campements et nos familles.
Nous ne cherchons pas grand chose, juste de quoi garantir l’alimentation, pour
nous mêmes et pour nos animaux. C’est pourquoi je vous ai dit que la Coopération
Suisse doit poursuivre les opérations. Elle ne doit pas s’arrêter en si bon
chemin. Autrement, c’est la désolation dans nos rangs. Parce que vous n’êtes
pas sans savoir qu’il nous est arrivé de conduire des animaux sur les marchés
les plus éloignés pour les échanger contre des vivres et revenir les mains
vides. Le plus souvent, nos animaux ne trouvent pas preneurs à cause de leur
mauvais état physique et alimentaire. Le plus souvent, aussi ces animaux
meurent sur le chemin du retour. Nous attendons incessamment le jour où la
Coopération
Suisse nous dira quel jour les opérations vont recommencer. Si dans deux
semaines la Coopération Suisse ne réagit pas, c’est la catastrophe.
Comment se sont déroulées les opérations de vente ?
Nous avons constitué des listes de 10 chefs de familles. Les sacs sont ensuite
partagés équitablement entre les dix personnes. Cette opération nous a
beaucoup soulagé parce que sur le marché le sac coûte 32.000f CFA. Alors qu'à
travers l'opération de la Coopération Suisse, on nous a vendu le sac de mil à
9.000f CFA. Vous voyez bien que la différence est énorme.
Est-ce qu’on peut dire que cette aide a contribué à améliorer votre
situation alimentaire et celle de vos animaux ?
Le constat s’impose de lui-même. Nos animaux étaient complètement affaiblis
par la faim. Les éleveurs eux-mêmes sont tenaillés par la faim. Les animaux
se vendaient à vil prix sur le marché. Une brebis vendue sur le marché ne
peut permettre à un éleveur d’acheter cinq tia de mil. Ne parlons pas de
sac, c’est inaccessible pour nos bourses. Mais depuis que l’aide a commencé
à nous parvenir, les choses ont complètement changé. Les animaux sont bien
nourris ; nous avons des céréales à très bas prix. Vous comprenez bien que
nous n’avons plus besoin de brader nos animaux. Aujourd’hui, une seule
brebis vendue peut permettre à un éleveur de disposer d’un sac de mil. Les
commerçants, eux-mêmes, se sont rendus compte du changement. Aujourd’hui,
c’est nous qui leur vendons nos animaux au prix que nous voulons, et ils sont
obligés de les acheter parce qu’ils en ont réellement besoin. Nous exprimons
notre satisfaction à la Coopération Suisse, mais nous lui demandons de
poursuivre les opérations. Ils doivent même revoir le tonnage à la hausse.
Parce que tous les éleveurs qui sont dans la région de Abala ont élu domicile
à Ikarfane. Vous n’êtes pas sans savoir que cette aide a concerné tous les
éleveurs pasteurs, d’où qu’ils viennent. Il y en a même qui sont venus de
Tahoua.
Propos recueillis par Gorel Harouna
L'Onu accroît son aide alimentaire pour le Niger
31/07/2005 - 17h26
TAHOUA, Niger (Reuters) - Les Nations unies ont plus que doublé ces derniers jours le nombre d'habitants à qui elles comptent fournir une aide alimentaire au Niger, où des pénuries exposent de nombreux villageois à la famine.
Le Programme alimentaire mondial (Pam) entend à présent acheminer des rations d'urgence à 2,5 millions de personnes, après un premier objectif de 1,2 million la semaine dernière.
"Nous portons le nombre à 2,5 millions car les moyens de subsistance des gens s'épuisent de plus en plus", a déclaré Stéfanie Savariaud, porte-parole du Pam, par téléphone de Niamey. "Dans les situations d'urgence de ce genre, il est inévitable que le nombre des bénéficiaires augmente."
Les représentants d'ONG humanitaires qui soignent des enfants dénutris après la sécheresse et les ravages causés par les criquets l'an dernier au Niger considèrent que l'Onu, le gouvernement et d'autres organismes ont beaucoup trop tardé à mettre en oeuvre une assistance alimentaire à grande échelle.
"Pour nous, il est évident que la situation n'est pas encore maîtrisée", a déclaré à Reuters le chef des opérations du Pam au Niger, Gian Carlo Cirri. "Nous considérons plus que jamais que les populations vulnérables courent de très grands risques."
A Tahoua, ville située à 500 km au nord-est de la capitale, on a entrepris dimanche de décharger des camions pour distribuer du sorgho à des villageois lundi, mais les fortes pluies tombées dans la nuit et le mauvais état des routes pourraient en compliquer l'acheminement.
La France annonce un renforcement de l'aide au Niger
Le président français Jacques Chirac a annoncé samedi un renforcement de l'aide humanitaire française au Niger, victime d'une grave crise alimentaire qui menace près d'un tiers de sa population. "La France, qui s'est fortement engagée pour le financement des programmes structurels destinés à assurer la sécurité alimentaire, triplera en 2005 ses versements à ce titre qui atteindront 4,6 millions d'euros", a indiqué M. Chirac dans une lettre adressée à son homologue nigérien Mamadou Tandja et rendue publique samedi par l'Elysée. La France doublera sa contribution aux appels du Programme alimentaire mondial, avec plus d'un million d'euros destinés en particulier à approvisionner les cantines scolaires des régions les plus touchées, a précisé M. Chirac. Il a souligné avoir demandé au ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, actuellement en tournée dans la région, de "se rendre dans votre pays pour s'assurer que notre aide réponde bien à vos demandes et s'enquérir des soutiens complémentaires qui pourraient s'avérer nécessaires". L'ONU estime à plus de 3,5 millions le nombre de personnes menacées de famine. Sur 800.000 enfants concernés, 150.000 souffrent de grave malnutrition et risquent de mourir bientôt s'ils ne sont pas soignés |
La France fait don de 1,7 tonne de médicaments au Niger 2005-07-31 12:57:03 NIAMEY, 30 juillet (XINHUANET) -- La France a fait don samedi de 1, 7 tonne de médicaments les plus essentiels d'une valeur d'un peu plus de 10 millions de FCFA destinés aux enfants de moins de 5 ans en difficulté nutritionnelle au Niger. Cette aide a été remise par le ministre français des Affaires étrangeres, Philippe Douste-Blazy, à son homologue nigérien, Mme Aïchatou Mindaoudou, lors d'une cérémonie à l'Aaéroport international Diori Hamani de Niamey, en présence notamment du représentant résident de l'UNICEF au Niger Aboudou Karim Adibadji. M. Douste-Blazy est arrivé le même jour à Niamey pour une visite d'amitié et de solodarité au Niger. Il a signé avec la ministre Mindaoudou une convention d'un milliard de FCFA, somme qui sera versée au Fonds de sécurité alimentaire géré par la Cellule de crise alimentaire. Le diplomate français a été reçu par le président de la République Mamadou Tandja et le Premier ministre Hama Amadou. Lors d'un point de presse, M. Douste-Blazy a rappelé les efforts déployés par son pays en vue d'aider le Niger à juguler la crise alimentaire à laquelle il est confronté. "C'est ainsi que 3 millions d'euros ont été versés en 2005, et qui seront complétés par une intervention en faveur du Programme régional de cantines scolaires du PAM pour la somme de 656 millions de FCFA", a-t-il indiqué. Les programmes CILSS ont aussi été financés à hauteur de 1,968 milliard de FCFA qui profiteront à l'ensemble des pays membres dont le Niger. "Au total, avec la contribution française à la lutte antiacridienne 2004, c'est une somme de plus de 6,55 milliards de FCFA qui a été consacrée au renforcement de la sécurité alimentaire au Niger", a-t-il poursuivi. M. Douste-Blazy a fustigé "l'indifférence et l'avarice maladive " de la communauté internationale face à la pénurie alimentaire au Niger. A cet effet, il a rassuré les autorités nigériennes du soutien de la France dans son combat contre la faim. "Pour cela, le président français, Jacques Chirac, a demandé que l'aide au Niger soit doublée. Ainsi, elle est passée de 150 à 300 millions d'euros, et déjà l'arrivée d'un boeing 747 cargo chargé de 35,4 tonnes de produits nutritionnels d'urgence est annoncée pour ce soir", a-t-il annoncé. La France est le premier partenaire du Niger dans les domaines de l'économie, l'éducation, l'agriculture, l'élevage et la Santé. |
4000 t de vivres d’aide américaine
Mercredi, les Etats-Unis ont également promis de fournir 4320
t de vivres, dont 2000 t de sorgho, 600 t de riz, 810 t d’huile végétale
et 910 t de lentilles. Aucune statistique officielle de mortalité n’est
disponible. L’ONU estime à plus de 3,5 millions le nombre de personnes
menacées de famine. Sur 800 000 enfants concernés, 150 000 d’entre eux
souffrent de grave malnutrition et risquent de mourir bientôt s’ils ne sont
pas soignés. Les spécialistes parlent de famine « cachée », car
elle touche pour l’instant les plus vulnérables, essentiellement les
enfants de moins de cinq ans. La crise alimentaire se double d’une crise économique :
une partie de la population, qui vit à 80% de l’agriculture vivrière,
n’a plus grand- chose à manger ou n’a plus les moyens de s’acheter de
quoi subsister. Or les prochaines récoltes n’auront pas lieu avant la fin
septembre. « Les deux mois les pires de l’année sont devant nous »,
a prévenu Johannes Sekkeles, chef de mission MSF au Niger. « Les
greniers sont quasiment vides, les paysans ont tout mangé. De plus, c’est
la saison des pluies et donc le cas des enfants mal nourris est aggravé par
les diarrhées et le paludisme », a-t-elle dit à l’AFP. Pour la seule
semaine écoulée, MSF a enregistré un bond de près de 30% des admissions
d’enfants souffrant de malnutrition aiguë. Une aide constituée de 4320 t
de vivres destinées aux populations nigériennes sera dégagée par les
Etats-Unis via le Programme alimentaire mondial (PAM). Cette « aide
supplémentaire » américaine, estimée à 7 millions de dollars, est
composée de 2000 t de sorgho, 600 t de riz, 810 t d’huile végétale et 910
t de lentilles, a précisé le responsable américain. Les Etats-Unis vont également
débloquer un million de dollars pour financer un programme de soins et de
nutrition pour 21 000 enfants et 6000 mères dans la région de Diffa, dans
l’extrême est du Niger, l’une des régions les plus déshéritées du
pays. Depuis le déclenchement de la famine, les Etats-Unis ont débloqué au
total près de 13 millions de dollars. Le président de l’association Réunir,
Bernard Kouchner, est arrivé hier au sud du Niger à bord d’un avion-cargo
chargé de 18 t d’aide alimentaire d’urgence. L’avion affrété par
l’association était rempli de 16 t de plumpy’nut, une pâte nutritive
hypercalorique, et de 2 t de lait thérapeutique, destinées aux enfants
souffrant de malnutrition sévère. L’ancien ministre français de la Santé
était accompagné de Bernard Miribel, directeur général d’Action contre
la faim (ACF) qui a lancé au Niger des programmes pour prendre en charge les
enfants souffrant de malnutrition modérée. Les députés du Nigeria ont décidé
de se cotiser pour venir en aide aux victimes. Unanimement, les députés ont
voté pour créer un fonds d’urgence pour le Niger et ont chacun puisé dans
sa poche pour y verser 150 USD (122 euros). Les parlementaires ont ainsi récolté
7,2 millions naira (54 000 dollars, soit 44 000 euros).
El Watan
NIGER
L'aide internationale
arrive lentement
Afrique. L'aide internationale continue
d'arriver au Niger alors qu'une partie était acheminée lentement par camion
dans le sud-est du pays, dont plusieurs régions sont frappées depuis des mois
par une terrible famine. Sur place, Philippe Douste-Blazy a dénoncé critiqué
"l'indifférence et l'avarice" de la communauté internationale.
L
'aide internationale continuait d'arriver samedi 30 juillet au Niger alors
qu'une partie était acheminée lentement par camion dans le sud-est du pays,
dont plusieurs régions sont frappées depuis des mois par une terrible famine
due à la sécheresse et les invasions de criquets.
Venu dans la capitale Niamey annoncer le triplement de l'aide française, le
ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy a samedi critiqué
"l'indifférence et l'avarice" de la communauté internationale face
à la tragédie nigérienne.
18 tonnes en provenance de Marseille
Dix-huit tonnes de lait enrichi et de pâte nutritive sont arrivées samedi à
bord d'un avion-cargo Antonov 12, affrété par l'organisation Réunir de
Bernard Kouchner, qui s'est posé à l'aéroport de Maradi, en provenance de
Marseille, avec l'ancien ministre de la Santé à son bord.
Lancé il y a près de huit mois, l'appel à l'aide des Nations unies ne se
concrétise que depuis ces dernières semaines afin de venir en aide aux 3,5
millions de Nigériens qui souffrent d'une grave famine.
Jeudi et vendredi, 278 tonnes de pois et d'huile ont été livrés à
l'organisation Concern International à Tahoua, situé à 400km au nord-ouest de
Maradi, ville du sud-est du pays qui sert de plaque tournante pour les
organisations humanitaires internationales.
Dans les hangars du Programme alimentaire mondial (PAM) situés dans le quartier
Ali Dansofho de Maradi, quelque 2.000 tonnes de sorgho acheté au Nigeria, 41
tonnes d'huile végétale et 69 tonnes de haricots attendaient d'être distribuées.
"C'est devenu fou ces derniers jours", s'est étonné Ibrahim
Badamassi, coordinateur régional du PAM à Maradi, gardant un oeil sur les
hommes chargés de remplir deux camions à destination de Tahoua.
"Nous remercions Dieu"
Le feu vert pour le chargement et le transport de l'aide du bureau du PAM à
Niamey est arrivé par fax vendredi à Badamassi, permettant l'approvisionnement
dès l'après-midi de l'Agence pour les Musulmans d'Afrique, une association
humanitaire opérant au Niger, pays majoritairement musulman.
Au total, l'association a reçu 250 tonnes de sorgho.
"Nous remercions Dieu, même si la nourriture est arrivée un petit peu
tard", a souligné Mohammed Abdoulaye, montrant ses réserves déjà bien
entamées. Il y a de quoi tenir quelques semaines, a-t-il avancé.
Depuis début juillet, le centre de nutrition de Maradi a reçu environ 700 mères
et leurs enfants, les nourrissant chaque jour, jusqu'à cinq repas pour les
enfants souffrant de malnutrition.
"Avec ce que nous venons de recevoir, nous pouvons faire plus et renvoyer
les mères avec des provisions", a estimé Mohammed Abdoulaye.
Parallèlement, le ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, en
visite dans le pays, a remis samedi une lettre du président Jacques Chirac à
son homologue nigérien Mamadou Tandja dans laquelle il l'assure de la
"solidarité du peuple français (...) dans cette période où des
populations du Niger sont éprouvées par la famine".
La France "triplera en 2005 ses versements" pour le financement des
programmes structurels destinés à assurer la sécurité alimentaire",
rappelle Jacques Chirac dans sa lettre. Ils "atteindront 4,6 millions d'euros".
Paris "doublera" par ailleurs "sa contribution aux appels du
programme alimentaire mondial (PAM), avec plus d'un million d'euros destinés,
en particulier, à approvisionner les cantines scolaires des régions les plus
touchées".
(AP)
Niger Confronted
by Famine:
A Call for Help
In Niger four million people (one third of the population) face a catastrophic famine. An early end of the rains and then the locust invasion have led to this serious food crisis. Officials in Niger say that millions in Niger are relying on food aid to survive because the country suffered a shortfall of 223,000 tons of millet, maize and sorghum in the 2004-2005 harvest.
The next two months are important so that subsistence farmers and their families in the southern area of Niger can make it through to October when hopefully harvesting starts again.
The U.N. Food Program has requested $11 million to finance emergency operations in Niger and Mali. Check out www.IRINnews.org, from the UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs.
The people of this country that we love so much need our help. Because of the urgency of the situation, sending donations for this project through Friends of Niger (FON) would not be timely. FON is aware of three organizations already in place in Niger: World Vision, Catholic Relief Services, and Médecins Sans Frontières. Donations can be made online. World Vision and Médecins Sans Frontières have articles on their websites about the famine in Niger.
As an organization FON is preparing a letter to the administrator of AID to encourage the agency to increase aid to the food security and nutrition programs already in place in Niger and to step up humanitarian assistance during the current crisis. We will send copies to Condoleeza Rice and the Niger desk officer at the State Department and to the White House. To aid Niger in this food shortage it is important also that you contact your own Senators and Representatives to encourage their support on this issue. Other very important persons to contact are the Senate Foreign Relations Committee and its Subcommittee on African Affairs.
- by Gabriella Maertens, 12 July 2005
NIGER
Les cas de malnutrition
ont bondi de 30%
Le nombre d'enfants victimes de malnutrition sévère
admis dans les centres de Médecins sans frontières a augmenté de près de 30%
en une semaine.
L e
nombre d'enfants victimes de malnutrition sévère admis dans les centres de
renutrition intensive (CRENI) de Médecins sans frontières (MSF) au Niger a
bondi de près de 30% en une semaine, a-t-on appris jeudi 28 juillet auprès de
MSF.
"La semaine passée, nous avons admis 1.283 enfants souffrant de
malnutrition aiguë dans nos cinq centres, contre 990 la semaine précédente",
a déclaré le Dr Mego Terzian, responsable de MSF à Maradi, dans le sud du
Niger.
Outre les cinq CRENI, MSF entretient 27 cliniques de soins ambulatoires, de façon
à toucher les populations des villages reculés.
La hausse la plus forte a été enregistrée dans les départements de Maradi,
à 600 km à l'est de Niamey, la capitale, et de Keïta, à environ 60 km au
sud-est de la ville de Tahoua (sud-ouest du Niger).
Acheminement difficile
En raison d'une sécheresse exceptionnelle et d'une invasion d'essaims de
criquets pèlerins qui ont détruit récoltes et pâturages en 2004, le Niger
est victime depuis plusieurs mois d'une grave pénurie alimentaire.
Ces statistiques alarmantes interviennent alors que l'aide alimentaire d'urgence
acheminée par la communauté internationale commence seulement à arriver dans
le pays et qu'il faudra encore plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant
qu'elle n'atteigne véritablement les populations les plus menacées.
Il reste, de plus, encore deux mois jusqu'aux prochaines récoltes et la saison
des pluies qui a débuté fait craindre des pics de maladies associées, comme
le paludisme et la diarrhée.
Pour ses opérations au Niger, MSF a recruté 50 volontaires expatriés et 500
employés locaux. L'ONG dispose d'un budget de 12 millions d'euros, soit grosso
modo l'équivalent de l'aide alimentaire apportée par la France et l'Union
européenne réunies.
"Nous avons demandé à nos donateurs qui avaient contribué pour le
tsunami en Asie du sud-est la permission d'utiliser les fonds pour le
Niger", a précisé le Dr Terzian.
MARADI (AP) -- L'aide internationale continuait d'arriver au
Niger alors qu'une partie était acheminée lentement par camion dans le
sud-est du pays, dont plusieurs régions sont frappées depuis des mois par
une terrible famine due à la sécheresse et les invasions de criquets.
Dix-huit tonnes de lait enrichi et de pâte nutritive sont arrivées samedi à
bord d'un avion-cargo Antonov 12, affrété par l'organisation Réunir de
Bernard Kouchner, qui s'est posé à l'aéroport de Maradi, en provenance de
Marseille, avec l'ancien ministre de la Santé à son bord.
Lancé il y a près de huit mois, l'appel à l'aide des Nations unies ne se
concrétise que depuis ces dernières semaines afin de venir en aide aux 3,5
millions de Nigériens qui souffrent d'une grave famine.
Entre jeudi et vendredi, 278 tonnes de pois et d'huile ont été livrés à
l'organisation Concern International à Tahoua, situé à 400 km au nord-ouest
de Maradi, ville du sud-est du pays qui sert de plaque tournante pour les
organisations humanitaires internationales.
Dans les hangars du Programme alimentaire mondial (PAM) situés dans le
quartier Ali Dansofho de Maradi, quelque 2.000 tonnes de sorgho acheté au
Nigeria, 41 tonnes d'huile végétale et 69 tonnes de haricots attendaient d'être
distribuées.
«C'est devenu fou ces derniers jours», s'est étonné Ibrahim Badamassi,
coordinateur régional du PAM à Maradi, gardant un oeil sur les hommes chargés
de remplir deux camions à destination de Tahoua.
Le feu vert pour le chargement et le transport de l'aide du bureau du PAM à
Niamey est arrivé par fax vendredi à Badamassi, permettant
l'approvisionnement dès l'après-midi de l'Agence pour les Musulmans
d'Afrique, une association humanitaire opérant au Niger, pays majoritairement
musulman.
Au total, l'association a reçu 250 tonnes de sorgho. «Nous remercions Dieu,
même si la nourriture est arrivée un petit peu tard», a souligné Mohammed
Abdoulaye, montrant ses réserves déjà bien entamées. Il y a de quoi tenir
quelques semaines, a-t-il avancé.
Depuis début juillet, le centre de nutrition de Maradi a reçu environ 700 mères
et leurs enfants, les nourrissant chaque jour, jusqu'à cinq repas pour les
enfants souffrant de malnutrition.
«Avec ce que nous venons de recevoir, nous pouvons faire plus et renvoyer les
mères avec des provisions», a estimé Mohammed Abdoulaye.
Parallèlement, le ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy,
en visite dans le pays, a remis samedi une lettre du président Jacques Chirac
à son homologue nigérien Mamadou Tandja dans laquelle il l'assure de la «solidarité
du peuple français (...) dans cette période où des populations du Niger
sont éprouvées par la famine».
La France «triplera en 2005 ses versements» pour le financement des
programmes structurels destinés à assurer la sécurité alimentaire»,
rappelle Jacques Chirac dans sa lettre. Ils «atteindront 4,6 millions d'euros».
Paris «doublera» par ailleurs «sa contribution aux appels du programme
alimentaire mondial (PAM), avec plus d'un million d'euros destinés, en
particulier, à approvisionner les cantines scolaires des régions les plus
touchées». AP
Un appel désespéré pour le Niger (31/07/2005) |
Un
million d'enfants menacés de mort
TAHOUA Le paludisme et la dysenterie font peser une menace grandissante sur les enfants du Niger en proie à la famine, dont certains sont soignés dans un centre de nutrition d'urgence à Tahoua, dans le nord du pays. La tête sur les genoux de leur mère ou criant de douleur, de petits enfants amenés sous ce chapiteau sanitaire semblent au dernier stade de la vie avant même que la maladie s'empare de leurs fragiles silhouettes. Des médecins administrent de l'oxygène, des mères tentent de
pousser leurs fils et filles apathiques à manger des aliments
liquides dans des cuillers en plastique. Mais la plupart des enfants
regroupés dans le pavillon, au nombre d'une douzaine, sont affalés
sur des lits où ils luttent contre la maladie. «Ces enfants sont déjà très vulnérables. S'ils sont déjà
mal nourris et attrapent le paludisme, il leur faut sans délai une
aide médicale et nutritionnelle spécialisée», déclare Johanne
Sekkenes, chef de mission de l'organisation Médecins sans frontières
(MSF) au Niger.
Si les pluies des dernières semaines ont transformé des champs
desséchés en vertes pousses de millet qui promettent des moissons
heureuses en octobre, elles peuvent aussi contaminer l'eau des puits
dans des villages mal équipés sur le plan sanitaire, et propager une
dysenterie parfois fatale. «Son cou a enflé et elle s'est mise à tousser», résume
Zahira Hussein, 25 ans, qui a amené sa fille de treize mois au centre
de nutrition de Tahoua, à 550 km au nord-est de Niamey. |
© La Dernière Heure 2005
Les organisations humanitaires estiment qu'un million d'enfants souffrent cette année de malnutrition et que 150.000 d'entre eux risquent de mourir sans une intervention rapide.
MSF dit avoir prodigué des soins à 15.000 enfants sous-alimentés depuis le début de l'année et sauvé 95% d'entre eux. Il est toutefois impossible de savoir combien d'autres sont peut-être en train de mourir dans des villages reculés de ce vaste pays situé en bordure du Sahara.
Si les pluies des dernières semaines ont transformé des champs desséchés en vertes pousses de millet qui promettent des moissons heureuses en octobre, elles peuvent aussi contaminer l'eau des puits dans des villages mal équipés sur le plan sanitaire, et propager une dysenterie parfois fatale.
"Son cou a enflé et elle s'est mise à tousser", résume Zahira Hussein, 25 ans, qui a amené sa fille de treize mois au centre de nutrition de Tahoua, à 550 km au nord-est de Niamey. "Avant, elle n'arrivait pas à dormir, maintenant elle va mieux."
L'aide d'urgence pour le Niger s'est intensifiée ces dernières semaines, mais les médecins de MSF considèrent que la lenteur avec laquelle ont réagi les donateurs occidentaux, les organismes de secours et les Nations unies a laissé la crise se développer à un point alarmant.
Le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy devait se rendre samedi à Tahoua pour apporter des fournitures médicales dans une ancienne colonie française où un enfant sur quatre meurt avant l'âge de cinq ans. La France a décidé de tripler, en la portant à 4,6 millions d'euros, sa participation aux programmes d'aide alimentaire au Niger.
PARIS/NIAMEY (AP) -- Le Niger attendait mercredi l'arrivée
d'une nouvelle cargaison d'aide humanitaire destinée à lutter contre la
famine, provoquée par la sécheresse et l'invasion de criquets.
Dans le même temps, le ministre français des Affaires étrangères Philippe
Douste-Blazy se rend à partir de jeudi dans la région, et notamment au
Niger, où «la France a décidé de mettre en place des moyens supplémentaires,
aux plans financiers, logistiques et humains», a précisé le Quai d'Orsay.
Le chef de la diplomatie française «se rendra sur le terrain, à Tahoua,
dans l'un des centres de santé qui prennent en charge les populations
souffrant de malnutrition». Il s'entretiendra également «avec les autorités
de ce pays pour faire un point sur le dispositif national de prévention et de
gestion des crises alimentaires et sur les besoins actuels du Niger».
Le PAM, Programme alimentaire mondial de l'ONU, a lancé un pont aérien
d'aide alimentaire d'urgence, en liaison avec l'armée française et
l'association Réunir de l'ancien ministre français Bernard Kouchner, afin de
venir en aide à près de 3,6 millions d'habitants. Quelque 2.000 tonnes de
riz, 500 tonnes de pois et 80 tonnes de biscuits enrichis devraient arriver
rapidement sur place, selon le PAM, huit mois après le premier appel lancé
par les associations humanitaires.
«La réponse est très tardive et l'argent a mis du temps à arriver», a déploré
Hassan Taifour, nutritionniste pour l'organisation «Save the Children»,
arrivé sur place la semaine dernière. «Nous avons attendu jusqu'à ce que
la situation soit terrible et aujourd'hui c'est une catastrophe».
Pays parmi les plus pauvres de la planète, le Niger a été frappé en 2004
par une terrible sécheresse et une invasion de sauterelles, qui sont à
l'origine de la grave disette qui frappe plusieurs régions du pays de 11,3
millions de personnes.
L'organisation Médecins sans Frontières a dores et déjà aidé environ
7.000 enfants dans trois districts de la région de Maradi, à 600km à l'est
de la capitale Niamey. Elle a également acheminé 500 tonnes de farine
enrichie et 100 tonnes d'huile.
Pour sa part, le britannique Save the Children a prévu qu'il lui faudrait une
semaine pour acheminer ses réserves en farine et en huile et les distribuer
à 23.000 personnes dans les districts de Aguie et Tassawa. AP
De Gleneagles à Niamey
Le Niger constitue un exemple, le plus immédiatement choquant, de cette diplomatie de la poudre aux yeux.
Impossible de ne pas faire le rapprochement. Voici quelques semaines, les dirigeants du G8, les pays les plus riches du monde, se réunissaient en grande pompe à Gleneagles et multipliaient les effets de manche sur la politique planétaire à engager pour éradiquer l’extrême pauvreté de la surface du globe. Aujourd’hui, l’actualité est marquée par la (tardive) prise de conscience du drame humanitaire en cours en Afrique sahélienne, tout particulièrement au Niger. Entre le quart et le tiers de la population victime d’une famine pourtant prévue depuis le dernier trimestre de l’an passé, et on assiste à une flambée de la mortalité infantile dans un pays qui détenait déjà un lugubre record en ce domaine. Premier constat : préoccupé plus d’action psychologique et d’image de marque, le G8 a réussi le tour de force d’ignorer tous les signes avant-coureurs de cette nouvelle crise.
Second constat : les engagements solennels de Gleneagles ne faisaient guère que reprendre plus ou moins explicitement les « objectifs du millénaire pour le développement » adoptés dès l’an 2000 par l’Assemblée générale de l’ONU. Objectifs déclarés : combattre la faim et la pauvreté, améliorer l’éducation, la santé, le statut des femmes et l’environnement, enfin engager la mise en oeuvre par les pays du Nord de politiques commerciales inscrites au sein d’un partenariat mondial pour le développement du Sud. À l’horizon 2015, était-il proclamé, 50 % de l’extrême pauvreté aurait disparu du continent africain. Cinq ans plus tard, donc, le G8 s’est contenté de rebadigeonner un discours antérieur, celui qui avait servi lors du sommet du millénaire à New York. Ce que rappelait le Malien Alpha Oumar Konaré, président de la commission de l’Union africaine, à la veille de l’ouverture de Gleneagles : « Trop de promesses nous ont été faites au cours de trop de rassemblements. Aucune n’a jamais été tenue »...
Au tiers du parcours fixé en 2000, les objectifs dits du millénaire demeurent hors de portée pour la grande majorité des nations concernées. Pire, l’Afrique subsaharienne est le seul continent où l’espérance de vie évolue négativement. Au rythme actuel, les experts chiffrent à plus d’un siècle et demi la durée nécessaire pour atteindre le but fixé pour 2015 ! Or, les promesses du G8 s’avèrent encore moins précises et contraignantes que celles présentées voici plus de cinq ans à New York. Alors ?
Le Niger constitue un exemple, le plus immédiatement choquant, de cette diplomatie de la poudre aux yeux. Ce pays semble revenu vingt ans en arrière, à l’époque de la grande sécheresse dont avait alors été victime le Sahel. En marge du désert, la grande vallée de la Tarka, qui couvre les trois régions méridionales de Tahoua, Maradi et Zinder, n’est plus qu’une enclave aride, calcinée par le soleil. La sécheresse et les criquets ont littéralement ravagé cette zone de transhumance traditionnelle. Tandis qu’un déficit fourrager record menace le cheptel dans son ensemble.
Confidence d’un éleveur du Maradi faite récemment à un journaliste camerounais du Messager : « Si même les ânes se mettent à mourir, c’est l’annonce d’une tragédie. » De fait, l’âne mange tout, y compris ses excréments ; donc s’il crève...
Le président Mamadou Tandja a entrepris hier un périple dans deux des régions les plus gravement touchées, celles de Tahoua et Agadez au nord. Sa gestion tâtonnante de la famine lui a valu les critiques d’une large partie de ses concitoyens. On lui reproche d’avoir minimisé la crise trop longtemps, d’avoir tardé à distribuer les rations alimentaires et d’avoir augmenté en mars les taxes sur la farine, le lait et autres produits de base, mesures qu’il annulera in extremis sous la pression de la rue. Sa « défense » vaut d’être citée : il s’agissait d’injonctions du FMI qu’un gouvernement privé de marges de manoeuvre budgétaires était bien obligé d’appliquer au pied de la lettre. Pour le reste, ajoute le porte-parole de la présidence, Niamey « n’a pas le pouvoir de fixer la date d’intervention de la communauté internationale ». La boucle est bouclée.
Par Jean Chatain
Envoyée spéciale.
Conformément aux décisions prises lors de l’initiative de Bamako, les soins ne sont plus gratuits au Niger. Dans la même logique que les plans d’ajustement structurels, l’idée était que les États surendettés n’ayant plus les moyens de financer leurs services publics devaient adopter un mécanisme permettant « le recouvrement des coûts ». Au Niger, les centres de santé publique (CSI) sont donc des structures autonomes qui doivent dégager du prix des consultations de quoi s’approvisionner en médicaments et en matériel. Déjà dangereux en période normale, ce principe a des conséquences dramatiques en période de pénurie alimentaire. La malnutrition entraîne de nombreuses maladies, qui a leur tour ont un effet dévastateur sur la capacité de l’enfant à absorber les aliments. La décision a théoriquement été prise d’accorder la gratuité des soins aux enfants gravement frappés. À Niamey, côté gouvernemental comme des bailleurs de fonds, on assure d’ailleurs que c’est le cas. Mais sur le terrain rares sont les CSI qui soignent gratuitement. Ainsi à Tahoua Médecins sans frontières est contrait, pour pouvoir se décharger d’une partie des patients sur le système de « santé publique », de payer les médicaments des CSI.
C. B.
Faute d’aide, les paysans de la région de Tahoua ont développé mille et une stratégies de survie.
Tahoua, envoyée spéciale.
« Chaque jour on doit chercher ce qu’on va manger parce qu’on n’a pas de réserves. » Un gamin dans les bras, une petite accrochée aux jambes, une jeune femme en large chemise marron bordée de dessins blancs est plantée devant la hutte en paille et banco qui constitue l’habitat traditionnel. Dans ce hameau de Saouna, commune de Tabalak, à une quinzaine de kilomètres au nord de Tahoua, cela fait au moins trois ans que les cultures n’ont pas donné assez pour tenir toute l’année. « De toute façon, ici, on mange rarement plus d’une fois par jour », se lamente de son côté l’adjoint du chef de village. La tête enveloppée dans un cheich beige usé, la barbe blanche éparse, il cultive la terre avec quelques hommes du village. Sous un soleil de plomb, ils bêchent, courbés en deux, une terre sableuse qui se craquelle et résiste. « Demain, si on ne trouve pas à manger, on n’ira pas aux champs parce qu’on sera trop faible », renchérit un paysan assis sur la lame de sa bêche. Après des années de vaches maigres, tous à dire que la situation est pire que jamais. Juste avant la dernière récolte, les criquets se sont chargés ici d’avaler le peu qui avait été produit. Les greniers à mil sont vides depuis des mois. « Si la saison est bonne, on peut tenir sept mois sans acheter de mil, mais cette année on a dû commencer à acheter dès octobre », explique une femme du centre-ville de Tabalak, qui n’a pas trop de difficulté à compenser le manque grâce à son commerce de condiments. Pas question ici non plus de vendre quoi que ce soit, les récoltes sont insuffisantes. Dans le village d’Akokou, Ibrahim, jeune homme d’une vingtaine d’années, cultive avec sa soeur le champ familial. « Le champ donne de quoi manger, pas de quoi vendre », explique-t-il. D’ailleurs, les commerçants ont renoncé à s’approvisionner dans la région. « Ce qu’ils vendent, ça vient de Maradi ou du Nigeria », assure le vieux chef.
Faute de vivres, il faut déployer des trésors d’inventivité. D’autant qu’ici, les commerçants ne font pas d’avances, tant ils craignent de ne pas être remboursés. « Pour trouver de quoi préparer à manger, ceux qui ont un enfant valide l’envoie travailler sur les champs des autres contre de l’argent », explique la jeune femme. La journée de travail rapporte 1 000 francs CFA. « Parfois, c’est le mari qui y va pendant que sa femme cultive son propre champ. » Le groupe de cultivateurs a été la veille louer ses bras au marché hebdomadaire de Tabalak. Même partiellement asséchée, l’énorme mare a également permis des cultures maraîchères. Les femmes ont loué des terrains et les hommes ont creusé six puits « parce qu’on avait besoin de beaucoup d’eau ». La vente du petit bétail est aussi pratiquée, même si elle dépossède les paysans de leur principale richesse. « Avec une brebis ou une chèvre, tu peux trouver du mil pour deux ou trois semaines », explique un homme. L’arrivée des pluies à partir de juillet offre d’autres possibilités. Certaines herbes se cuisinent mélangées avec de la farine de manioc.
Mais la principale source de revenu reste l’exil. Un, deux ou trois fils de famille partent « à l’aventure » à l’étranger, en Libye, parfois en Algérie, souvent en Côte d’Ivoire. De là, ils envoient régulièrement des fonds pour que leurs proches survivent. Le plus souvent, ils reviennent de juin à août. Courte, la saison des pluies a besoin de tous les bras valides. Rentable, cette stratégie semble pourtant menacée. Avec les accords sur l’immigration passés avec l’Union européenne, rien ne dit que la Libye restera une option. Mais c’est surtout la Côte d’Ivoire qui inquiète. Ibrahim a déjà passé trois ans à Abidjan où son père, qui s’y rend depuis longtemps, a investi dans une maison : « S’il n’y avait pas ça, on ne pourrait pas survivre. » Mais il s’inquiète : « Beaucoup ont dû rentrer à cause des ennuis là-bas. »
C. B.
Visite du centre de Médecins sans frontières, à Tahoua, où les enfants réapprennent à s’alimenter.
Tahoua, envoyée spéciale.
Ramatou à cinq ans et pèse 9 kilos. Ses bras et ses jambes font à peine quelques centimètres de diamètres et ses grands yeux aux cils interminables expriment les souffrances de son corps. Elle est arrivée la veille avec sa mère au Centre de rééducation et d’éducation nutritionnelle intensive (CRENI) que l’organisation humanitaire Médecins sans frontières à ouvert le 16 juin dans la ville de Tahoua, au centre du Niger. Comme elle, ils sont près de 150 gamins dont l’état de malnutrition a nécessité une hospitalisation d’urgence. Sous la grande tente blanche qui accueille les cas les plus graves, une vingtaine d’enfants aux membres décharnés gisent sous les yeux de leurs mères. Affaiblis par le manque de nourriture, « ils attrapent toutes les maladies qui passent », explique Hassia, l’une des infirmières. Paludisme, diarrhée, pneumopathie et autres augmentent encore leur vulnérabilité, au risque de les entraîner vers la mort. Ceux-là n’arrivent même plus à se nourrir. « Pour leur réapprendre, on leur donne du lait thérapeutique huit fois par jours », indique le docteur Michel
Rasolonirina. Et chaque gramme gagné est une victoire. Issiaka Abdou, le responsable de terrain qui supervise l’équipe de Tahoua, regarde avec satisfaction la fiche d’un petit garçon de quatre mois. En deux jours, il est passé de 2,4 à 2,5 kg.
À en juger par la manière dont la petite Sibilla attrape le sein de sa mère, elle, au moins, a réappris à manger. Ses membres sont encore tous maigres mais le goût de la vie semble avoir repris le dessus. D’ailleurs, dans les deux tentes qui abritent les enfants en phase de récupération, règne une ambiance de village. À l’heure du repas, les femmes discutent, blaguent, leurs petits dans les bras. Ici, les enfants sont passés à six repas par jours. Lait thérapeutique et Plumpynut, un aliment miracle pour la malnutrition composé de lait et d’arachide, constituent l’alimentation quotidienne. Le temps de récupération peut varier. Certains enfants restent là un mois, d’autres sont en état de sortir au bout de quelques jours. Une fois sortis du centre, les enfants rejoignent le programme ambulatoire de où sont orientés d’office ceux dont l’état ne nécessite pas d’hospitalisation. Près de mille enfants sont ainsi suivis à travers sept cités ambulatoires où les médecins passent une fois par semaine pour effectuer les pesées, prodiguer les soins et fournir aux familles les aliments nécessaires pour eux et leurs enfants.
« Je suis très contente qu’il aille mieux maintenant. » Maïma, environ vingt-cinq ans, a laissé glisser sur son épaule sa large robe de tulle colorée pour la tétée du petit Issoufou. « Quand il est arrivé, il avait tout, des diarrhées, de la fièvre, des vomissements, je croyais qu’il allait mourir. » En un mois, Maïma a repris espoir au fur et à mesure qu’elle a vu son petit reprendre du poil de la bête. Un espoir essentiel au rétablissement des enfants. « Elles savent qu’elles ont un rôle à jouer », explique le docteur Rasolonirina. « Parfois, elles sont découragées, mais quand elles voient un enfant qui sort au bout de quelques jours, elles voient que ça peut marcher et elles sont contentes. » Pour les aider à nourrir leurs bébés conformément aux impératifs d’un traitement médical pas toujours évident à comprendre, MSF a embauché des Nigériennes qui servent d’assistantes nutritionnelles. Elles passent parmi les femmes, discutent et se livrent quotidiennement à « des séances de causeries ». Mais si les questions techniques demandent des explications pour ces femmes de milieu rural, majoritairement illettrées, et dont les contacts avec le milieu médical ont souvent été jusque-là limités, elles font tout leur possible. Certaines ont fait des kilomètres pour venir faire soigner leurs enfants. D’autres ont tenté, avant l’existence du centre MSF, de trouver l’argent nécessaire pour payer les soins dans le système médical nigérien. Une gageure quand on sait qu’une consultation dans le système local peut coûter jusqu’à 1 000 francs CFA.
Le système permet de sauver la majorité des enfants. « Mais quand ils arrivent trop tard, quand ils sont trop affaiblis, on les perd », se désole le docteur Rasolonirina. Pour l’instant, c’est 2 % de près de 1 300 enfants qui ont ainsi perdu la vie. Mais, à MSF, on s’inquiète de voir depuis deux semaines les courbes d’admission de nouveau monter en flèche. Les travaux des champs sont terminés et on entre au coeur de la période de soudure, avec tous les risques que cela comporte. D’autant que, malgré les promesses des uns et des autres, aucun programme ne s’occupe des cas les moins graves qui, faute de soins, pourraient à leur tour basculer dans la malnutrition sévère. L’avenir proche inquiète Issiaka : « On est déjà débordé. Ce qu’on souhaiterait, c’est que d’autres organisations s’impliquent pour créer un deuxième centre de soins pour les mal nourris et prendre en charge les modérés. »
C. B.
Niger, envoyée spéciale.
« Il est déjà trop tard pour des milliers d’enfants. » Dans son bureau de Niamey, Johanne Sekkenes, chef de mission pour Médecins sans frontières, laisse entrevoir son désarroi. Constatant cette année l’explosion du nombre d’enfants atteints de malnutrition sévère accueillis dans ses centres de santé, l’organisation a tiré en vain la sonnette d’alarme pendant des mois. Malgré la gravité d’une famine qui affecte le Niger, où le niveau de mortalité infantile est déjà d’ordinaire un des plus importants du monde, la décision de distribuer des vivres gratuitement a été prise depuis à peine deux semaines. « Nous savions à quel point la situation était alarmante », reconnaît Paul Vossen, chef de section de la délégation de l’Union européenne à Niamey. Un aveuglement qui pourrait coûter la vie à des milliers d’enfants.
Pluies insuffisantes, invasions de criquets
La crise n’est pourtant pas une surprise. Avant même que les prix des céréales - explosent de 50 %, la combinaison des pluies insuffisantes et des invasions de criquets était l’occasion d’anticiper un manque de vivres dans ce pays où une majorité de la population vit tous les ans à la - limite de la sécurité alimentaire. Dès octobre 2004, le Programme alimentaire mondial (PAM) a prévenu qu’au moins 3 millions de Nigériens risquaient de se trouver rapidement dans une situation de grande vulnérabilité. Le mois suivant, le premier ministre nigérien a lancé sans succès un appel discret à la communauté internationale pour 78 000 tonnes de vivres.
Le dispositif de gestion des crises alimentaires, où siègent conjointement le gouvernement nigérien, les bailleurs (essentiellement France et Union européenne) et certaines institutions internationales, a réagi en pariant sur la multiplication des projets de développement. L’objectif était de permettre aux familles de disposer de sources complémentaires de revenus, à travers un accroissement des programmes déjà existantes, comme les ventes à prix modérés (VPM), les projets « work for food » ou « work for cash » (versement d’un pécule en nature ou en argent en échange de travail dans des projets de développement), et les banques céréalières. Surtout, l’injection massive sur le marché des céréales en VPM devait permettre de faire baisser des prix qui ont atteint cette année un niveau sans précédent. Mais, explique le PAM, faute de fonds versés par les bailleurs pour soutenir ces programmes et compte tenu de la difficulté à se procurer les quantités de céréales voulues dans un marché régional atrophié, les « stratégies préventives d’atténuation de la crise n’ont pas pu être mises en oeuvre ». Les 11 000 tonnes finalement distribuées par le PAM à travers ces divers systèmes ont été largement insuffisantes pour avoir un effet sur les prix du marché et un impact sur l’économie des villages. Les paysans évoquent d’ailleurs toujours l’arrivée de VPM comme un événement bienvenu mais marginal et ils se plaignent de son insuffisance. De plus, l’impact par rapport aux problèmes de malnutrition a été nul puis- que, de l’aveu même des représentants du PAM, les VPM sont restées inaccessibles aux plus vulnérables, qui ne disposent d’aucune réserve financière. Comme l’explique un groupe de femmes du hameau de Saouna, à une vingtaine de kilomètres de la ville de Tahoua, « certains ont pu en profiter dans le village mais si tu n’as pas d’argent, tu n’y as pas accès ».
Donner, vous n’y pensez pas !
Alors qu’en début d’année, il devenait de plus en plus clair que les mesures adoptées avaient un impact nul sur la malnutrition, personne n’a estimé nécessaire de commencer à fournir une aide d’urgence aux familles dont les enfants étaient en danger. Les décideurs extérieurs au pays se sont arc-boutés sur leur credo : ne pas faire de distributions gratuites afin de ne pas perturber les mécanismes du marché, ne pas donner l’habitude de recevoir sans rien faire pour ne pas compromettre l’investissement des populations dans des projets de développement destinés à améliorer leur avenir. « Les distributions gratuites sont la porte ouverte à des choses qui ne sont pas souhaitables », estime encore aujourd’hui Alain Darthenuck, premier adjoint de la délégation de l’UE. Aussi, en dehors de quelques dons marginaux pour alimenter les centres de MSF, il n’était pas question de donner de la nourriture gratuitement aux familles dans le besoin. Cette idéologie a empêché toute modification de la stratégie adoptée. Ainsi, Jean-Noël Gentile, membre de la mission locale du PAM, raconte que, quand il a commencé à évoquer la nécessité de mettre en place parallèlement aux program- mes de développement un volet de prise en charge, la réponse a été : « Ça n’est pas durable. » Une façon de consi- dérer les pertes humaines liées à la crise alimentaire comme des dommages collatéraux.
Le gouvernement nigérien n’a rien fait non plus pour inverser la tendance. Entre le premier appel du premier ministre, peu de temps avant les élections législatives, et son cri d’alarme « angoissé » le 28 mai dernier, il s’est tu. Un silence dont la responsabilité incombe, selon l’opposition nigérienne, au président, Mamadou Tandja. « Il a freiné. Il ne voulait pas que cela se sache parce que, dans nos cultures, les gens attribuent au chef la responsabilité d’une famine », explique Maman Abou, éditeur de presse et membre du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme. Autre avantage pour le pouvoir, la crise a permis une hausse des prix qui a profité aux gros commerçants. Or « les opérateurs économiques sont membres du parti au pouvoir » et ce dernier « ne veut pas frustrer ceux qui ont payé sa campagne électorale », suggère Sidibé Issoufou, secrétaire général de la Confédération démocratique des travailleurs nigériens et membre de la Coalition équité qualité contre la vie chère, une organisation de la société civile qui regroupe associations et syndicats. Quelle qu’en soit la raison, la lenteur du gouvernement à reconnaître publiquement la crise a servi de prétexte aux doutes et aux hésitations des institutions internationales et des bailleurs.
L’urgence de la situation s’impose
La précipitation cède-t-elle désormais la place à l’aveuglement ? « Cela fait seulement peu de temps que nous avons réalisé qu’il s’agissait d’une urgence et nous sommes donc soumis à de nombreuses contraintes », a expliqué jeudi dernier Ginacarlo Cirri, représentant du PAM à Niamey. Selon Seydou Bakari, directeur de la cellule de crise alimentaire (CCA), près de 24 000 tonnes de vivres sont nécessaires, en plus des 9 000 distribués aux enfants et à leurs familles dans les centres de récupération nutritionnelle, pour approvisionner les zones de malnutrition sévère et modérée. Mais les obstacles techniques sont encore légion. Le gouvernement et le PAM disposent de 5 000 tonnes immédiatement disponibles, qu’ils peinent à acheminer dans les régions concernées, faute d’ONG spécialisées dans l’urgence, déjà opérationnelles sur le terrain. Et, une fois ce stock écoulé, la continuité d’approvisionnement est loin d’être assurée. Le premier chargement de 11 000 tonnes de mil acheté par le gouvernement avec l’argent des bailleurs ne devait pas arriver avant lundi au port de Lomé.
Accélérer le processus implique d’y mettre des fonds supplémentaires pour acheter des quantités plus importantes de vivres et affréter des avions pour les acheminer. Mais les bailleurs traînent des pieds. Au-delà de quelques dons symboliques en nature, les pays arabes sont discrets. À peine présents dans le pays à travers quelques ONG, les Américains n’ont pas non plus versé de fonds supplémentaires. Les deux principaux donateurs, l’Union européenne et la France, expliquent de leurs côtés ne pas envisager pour le moment aller au-delà des enveloppes prévues de longue date pour le Niger, soit respectivement 6,3 et 5,5 millions d’euros. Des sommes bien dérisoires pour aider à juguler une crise qui, selon Jan England, coordinateur des affaires humanitaires aux Nations unies, affectent massivement la population infantile. À titre de comparaison, la mission de MSF au Niger représente 12 millions d’euros.
Camille Bauer
Visite de M. Philippe Douste-Blazy au Tchad, au Soudan et au Niger (28 au 30 juillet 2005)
Le ministre se rend au Tchad, au Soudan et au Niger du 28 au 30 juillet. Ce voyage dans ces trois pays sahéliens illustre la politique française de prévention et de résolution de crises, que celles-ci aient pour origine un conflit armé ou une conjoncture climatique difficile. Le conflit du Darfour a entraîné près de deux millions de déplacés (un tiers de la population totale du Darfour) et d’innombrables victimes ainsi que 230.000 réfugiés au Tchad voisin. Au Niger, ce sont les conditions climatiques particulièrement rigoureuses cette année qui ont provoqué une pénurie alimentaire.
Le ministre se rendra tout d’abord au Tchad, où il s’entretiendra avec le président Deby des relations bilatérales et des conséquences pour le Tchad de la crise du Darfour ainsi que des négociations politiques en cours à Abuja dont le Tchad est co-médiateur, aux côtés de l’Union Africaine.
Au Soudan, le ministre se rendra à Khartoum, où il s’entretiendra avec les autorités de ce pays. Vous connaissez le soutien de la France à l’accord intervenu entre le nord et le sud, qui met un terme au plus vieux conflit d’Afrique, et qui est actuellement mis en œuvre. Le ministre abordera également la question du Darfour, qui reste très préoccupante. Il ira dans cette région évaluer par lui-même la situation sur le terrain et rencontrer les représentants des organisations humanitaires présents sur place. Il visitera en particulier le camp de Kalma.
Au Niger, le ministre aura des entretiens avec
les autorités de ce pays pour faire en particulier le point sur le dispositif
national de prévention et de gestion des crises alimentaires
et sur les besoins actuels du Niger. Comme vous le savez, pour venir en
soutien au Niger, la France a décidé de mettre en place des moyens supplémentaires,
aux plans financiers, logistiques et humains. Le ministre se rendra, sur
le terrain, à Tahoua, dans l’un des centres de santé qui prennent en
charge les populations souffrant de la malnutrition au Niger.
jeudi 28 juillet 2005 | - Publié par webmaster |
Jeudi 28 juillet 2005
|
Publié sur le web le 26 Juillet 2005
Tandis que les fonds commencent à être versés, les organisations humanitaires internationales se hâtent d'envoyer des aides alimentaires et des équipes médicales au Niger, un pays enclavé d'Afrique de l'Ouest où plus de deux millions de personnes survivent aujourd'hui en se nourrissant principalement de racines et de plantes sauvages.
Depuis des mois, les Nations unies, l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) et le gouvernement nigérien mettent en garde la communauté internationale contre la menace bien réelle de pénuries alimentaires au Niger.
Par solidarité musulmane, certains pays arabes, Maroc, Algérie, Libye, Arabie saoudite et Emirats arabes unis, ont envoyé plusieurs avions chargés de nourriture au cours des dernières semaines.
Le tout premier avion d'aide alimentaire d'urgence envoyé par l'Occident est arrivé à Niamey jeudi dernier.
Réunir, une organisation humanitaire basée en France, l'ancienne puissance coloniale du Niger, a envoyé un avion-cargo Antonov 12, chargé d'huile végétale, de sucre et de Plumpy'nut, une pâte alimentaire pour enfants à haute teneur nutritionnelle.
Mais l'aide internationale, qui s'est fait attendre, commence tout juste à affluer.
Jan Egeland, coordinateur des secours d'urgence des Nations unies, a déclaré vendredi que la communauté internationale avait envoyé plus d'argent au Niger ces dix derniers jours qu'elle ne l'avait fait au cours des dix derniers mois.
M. Egeland a déploré à maintes reprises la réaction lente de la communauté internationale face à la famine naissante au Niger, le deuxième pays le plus pauvre du monde, selon l'Indice de développement humain des Nations unies.
Selon les estimations des autorités nigériennes, jusqu'à 3,6 millions de personnes seront confrontées à une pénurie alimentaire au cours de cette année. Les champs de céréales et les pâturages nigériens ont en effet été dévastés par la sécheresse et l'invasion massive de criquets pèlerins qui avaient marqué l'année 2004.
M. Egeland appelle à la création d'un fonds d'urgence
Lors d'une conférence de presse, à Genève, M. Egeland a appelé à la création d'une réserve d'urgence que les Nations unies pourraient utiliser immédiatement en cas de crise, en attendant de trouver des fonds.
Jusqu'à ce jour, les bailleurs de fonds ont consacré 10 millions de dollars américains à la crise au Niger, soit un tiers de la somme totale demandée par les Nations unies (30,7 millions), selon M. Egeland.
La somme initialement demandée, qui avait été augmentée de 12 millions de dollars américains la semaine dernière, sera probablement revue à la hausse de nouveau dans un futur proche, selon lui.
Les représentants des Nations unies et les travailleurs humanitaires se sont déclarés soulagés de voir que les principaux bailleurs internationaux, et notamment les Etats-Unis, l'Union européenne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, commençaient enfin à prêter main forte au peuple nigérien.
Selon eux, toutefois, l'aide arrive trop tard pour beaucoup d'habitants des villages reculés et désertiques du Niger.
« Personne ne nous a écouté », a déclaré jeudi Natasha Kofoworola Quist d'Oxfam - Grande-Bretagne, alors qu'elle se trouvait à Niamey, la capitale nigérienne.
« Heureusement, les choses sont en train d'évoluer, mais il est certain que des enfants vont mourir ».
Save the Children - Royaume Uni, Oxfam - Grande-Bretagne, l'organisation caritative irlandaise Concern Worldwide ainsi que beaucoup d'autres organisations humanitaires internationales ont annoncé cette semaine qu'elles enverraient des équipes de secours d'urgence au Niger.
La couverture médiatique de la crise a suscité l'intérêt des bailleurs de fonds
Jusqu'à présent, le Programme alimentaire mondial (PAM) n'a reçu que 5 millions de dollars américains sur les 16 millions initialement demandés. C'est ce qu'a déclaré vendredi Gian Carlo Cirri, le représentant du PAM au Niger. Qui plus est, la majeure partie de cette somme n'a été versée qu'au cours des dernières semaines.
« La couverture médiatique de la crise au Niger a suscité l'intérêt des bailleurs », a-t-il expliqué. « Pour ce qui est des fonds, la situation s'améliore, mais nous n'avons pas encore tous les fonds nécessaires ».
Pour les travailleurs humanitaires, ce sont les questions d'ordre humanitaire, et notamment la hausse spectaculaire des taux de malnutrition chez les enfants nigériens, qui ont fini par réveiller la conscience de la communauté internationale.
« Cette année a été assez désastreuse pour que le Niger tombe au-dessous de la limite et se fasse enfin remarquer », a déclaré Nigel Tricks, directeur de la branche nigérienne de Concern Worldwide.
« Le Niger est un pays laissé pour compte », a-t-il ajouté. « Il survit depuis des années dans des conditions très difficiles. La communauté internationale néglige les populations démunies du Niger depuis des dizaines d'années ».
Les récoltes de l'année 2004 ont été particulièrement désastreuses pour le Niger, qui présente aujourd'hui un déficit alimentaire de 223 000 tonnes - le plus considérable jamais enregistré depuis 20 ans.
Les Nations unies estiment que 2,5 millions de Nigériens, sur une population totale de 12 millions, survivent avec moins d'un repas par jour, et se nourrissent de racines et de plantes sauvages.
Selon les estimations du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), jusqu'à 150 000 enfants de moins de cinq ans souffriraient de malnutrition aiguë au Niger.
Les centres de nutrition thérapeutique mis en place, en petit nombre, par MSF et d'autres organisations humanitaires enregistrent tous les jours des décès de nourrissons.
La prochaine récolte prévue pour fin septembre
Selon les experts humanitaires, il est crucial d'envoyer des aides alimentaires au Niger dans le courant du mois prochain afin de maintenir le peuple nigérien en vie en attendant les prochaines récoltes, prévues pour la fin du mois de septembre.
La saison des pluies a bien commencé à la fin du mois de mai et les cultures plantées depuis lors poussent bien ; mais la plupart des greniers sont vides, les prix des denrées alimentaires ont plus que doublé sur les marchés et il faudra encore patienter 10 semaines avant les nouvelles récoltes.
En attendant, beaucoup de villageois nigériens devront survivre avec le peu de nourriture qu'ils trouveront à se mettre sous la dent. A moins qu'ils ne bénéficient, au plus vite, de l'aide alimentaire internationale.
Les bergers nomades, qui ont vu leurs bêtes mourir une par une de faim et de soif, sont encore plus exposés à la famine que les paysans. Selon les travailleurs, il leur faudra au moins deux ans pour reconstituer leurs cheptels.
Cette semaine, à Niamey, les travailleurs humanitaires, les représentants des autorités et ceux des Nations unies se sont rencontrés pour mettre au point des plans de distribution gratuite de nourriture dans les régions les plus touchées.
Save the Children - Royaume Uni, qui n'avait pas auparavant de bureau au Niger, a dépêché au début du mois de juillet des nutritionnistes et des logisticiens à Maradi et à Zinder, deux villes du sud du Niger. Ceux-ci sont chargés de diriger des programmes de nutrition destinés aux enfants mal nourris, selon une spécialiste des secours d'urgence qui travaille pour l'organisation.
D'après elle, il a été particulièrement difficile de convaincre les bailleurs internationaux de mettre la main au portefeuille pour juguler la crise au Niger, un pays où sécheresse et famine ne suscitent plus l'intérêt des médias depuis des années.
« Maintenant que des enfants sont en train de mourir, le Niger est devenu un sujet croustillant »
« Quand Save the Children dit "Nous avons besoin d'argent pour le Niger", les gens disent "Pourquoi ?" », a-t-elle expliqué. « Les bailleurs ne veulent pas donner quand la cause n'est pas assez croustillante. Maintenant que des enfants sont en train de mourir, le Niger est devenu un sujet à la mode ».
Le comble de l'ironie, pour Mme Quist d'Oxfam - Grande-Bretagne, c'est que la communauté internationale ait oublié le Niger alors même que se déroulait, en Ecosse, le dernier sommet du G8. Au cours de cette rencontre fortement médiatisée, les pays les plus riches du monde s'étaient engagés à faire de la lutte contre la pauvreté en Afrique une priorité.
« Ils disent qu'ils veulent éradiquer la pauvreté et mettre l'Afrique à l'ordre du jour », a déclaré Mme Quist. « En attendant, des gens meurent. »
« Pour certains Nigériens, il est déjà trop tard. Il est également trop tard pour beaucoup de bêtes. Et ces bêtes constituent le moyen de subsistance du peuple. Mais nous pouvons encore sauver une partie de la population », a-t-elle poursuivi.
Oxfam - Grande-Bretagne est d'ailleurs en train de mettre en place un programme d'aide alimentaire, doté d'un budget de 2 millions de dollars américains, qui permettra de nourrir au moins 130 000 personnes. L'organisation prévoit également d'aider les bergers nomades à reconstituer leurs cheptels.
Selon M. Tricks de Concern Worldwide, qui vit au Niger depuis un an, si les dirigeants des pays du G8 sont véritablement déterminés à aider l'Afrique, ils doivent tout mettre en oeuvre pour prévenir de telles crises.
« Oublions un instant la situation du Niger en 2005 », a-t-il suggéré. « La situation actuelle traduit un problème plus alarmant. Elle est le résultat du peu d'intérêt accordé à la résolution des problèmes graves qui affectent l'Afrique subsaharienne ».
Concern Worldwide a envoyé une douzaine de travailleurs humanitaires internationaux pour diriger des programmes d'aide alimentaire dans la région de Tahoua, au Niger.
Depuis quelques mois, les autorités nigériennes subventionnaient les ventes de vivres dans les régions les plus touchées. Elles ont toutefois accepté la semaine dernière de procéder à des distributions de nourriture gratuite dans ces mêmes régions.
Seidou Bakari, responsable de la cellule de crise alimentaire rattachée au cabinet du Premier ministre nigérien, a déclaré à IRIN vendredi qu'il travaillait en ce moment en collaboration avec des travailleurs humanitaires internationaux pour définir un plan de distribution d'aide alimentaire gratuite destinée à nourrir 1,6 millions de personnes.
Tandis que les autorités en appellent à la générosité des bailleurs internationaux, les Nigériens eux-mêmes mettent la main au portefeuille pour aider leurs compatriotes.
Au Niger, le revenu annuel moyen par habitant ne dépasse pas 190 dollars américains. Pourtant, selon la cellule de crise, les autorités ont reçu 832 millions de francs CFA (environ 1,5 million de dollars américains) pour nourrir les plus démunis, en réponse à l'appel lancé en mai dernier par le Premier ministre.
Les enfants du Niger vivent sous perfusion. Ici, les greniers sont vides. Depuis longtemps, les moissons ne sont plus agricoles mais funestes.
Un spectacle de honte et d'effroi
Dans la cour commune, c'est un spectacle de honte et d'effroi. Une centaine de mères
s'entassent, attendant leur tour, le regard plein d'incompréhension, au milieu
des gémissements, des cris et des pleurs. Sur leurs genoux, des enfants en
train de mourir de faim, tous présentant des signes de malnutrition avancée.
Elles sont venues des villages alentours, au prix de plusieurs heures de marche
dès le milieu de la nuit, avec l'espoir de voir sauver leur enfant malade.
Comme Adicha, une mère de 38 ans. Son petit garçon, Massouda, se meurt.
« Il a de la diarrhée », explique-t-elle.
D'un enfant à l'autre, on ne sait plus où porter le regard. Squelettiques,
certains semblent déjà de petits vieillards apathiques, le ventre gonflé et
n'ayant plus que la peau sur les os. Les yeux d'une petite fille aux cheveux décolorés
sont envahis par les mouches et le pus.
Parfois, une mère jette un regard implorant et tend son bébé du bout des
bras, dès qu'elle voit un blanc, croyant avoir affaire à un médecin.
MSF a ouvert 27 points de soins ambulatoires au Niger, tel celui-ci, un nouveau
concept qui a permis d'éviter le pire dans les villages reculés du Niger.
Un à un, les enfants sont pesés, mesurés et auscultés. Les cas de
malnutrition les plus graves seront hospitalisés, comme Aminou, 24 mois et 6,2 kg,
qui souffre d'œdèmes aux bras et aux pieds.
Les autres petits seront traités en médecine ambulatoire au sein d'un
programme de renutrition. Un bracelet de couleur au mollet sert à identifier
les admis.
« Nous donnons aux mères des médicaments et des rations alimentaires
pour nourrir leur enfant. Elles peuvent retourner dans leur village. On leur
demande de revenir chaque semaine pour faire le suivi médical de l'enfant »,
explique Arouna Balki.
Dans la cour voisine, ce sont 249 mères qui sont attendues ce jour-là pour le
suivi. La plupart des enfants vont manifestement mieux. Leur regard a retrouvé
un peu de vie. Certains esquissent un sourire.
Voici ce qu'il faut savoir pour comprendre comment une telle crise humanitaire a pu surgir si brutalement.
Quelles régions sont touchées et combien de personnes sont-elles vraiment affectées ?
La pénurie alimentaire touche au Niger les départements de Maradi, de
Tillabery, de Zinder et de Tahoua, le nord du Burkina, une partie du Mali et
de la Mauritanie. Mais c'est au Niger que la situation est semble-t-il
soudainement devenue critique. C'est la fin prématurée des pluies la saison
dernière, l'invasion des crickets pèlerins et la hausse des denrées
alimentaires qui ont soudainement fait basculer des familles entières, à la
limite de la pauvreté, dans le dénuement extrême.
Depuis janvier 2005, les prix des aliments sont de 75 à 89% supérieurs à
ceux de la moyenne des cinq dernières années. Parallèlement, le prix de
vente des petits animaux d'élevage a diminué brutalement de 25%. Les
estimations sur le nombre des populations menacées varient considérablement.
Selon des évaluations réalisées conjointement en avril 2005 par l'agence
des Nations unies pour l'agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial
(PAM) et le gouvernement de Niamey, entre 2,4 et 3,6 millions de personnes, étaient
alors très vulnérables à une pénurie alimentaire.
Selon l'agence américaine USAid, la situation actuelle au Niger est «grave,
mais elle affecte nettement moins de personnes que celle qui existe en
Ethiopie, en Somalie, au Zimbabwe et au Soudan (Darfour et région nord de
Bahr el-Gazal). La situation au Niger est la même que celle que l'on trouve
dans la région occidentale du Tchad (dans les camps de réfugiés aussi bien
que dans la population vivant près de ces camps) et beaucoup plus grave que
la situation que l'on trouve actuellement au Mali et en Mauritanie».
Pourquoi la crise est-elle si brusque ?
D'abord les familles de pasteurs ont envoyé le bétail vers le sud, vers des
zones où l'on trouvait encore des pâturages. Les femmes et enfants restés
sur place n'ont plus de lait, ni les moyens d'acheter des céréales. Ensuite,
les prix ont monté de façon stupéfiante parce que les commerçants,
anticipant la crise, ont gardé leurs stocks alimentaires, dans l'attente d'un
renchérissement général.
Pourquoi tant d'enfants sont-ils touchés ?
Le Niger détient le record mondial du nombre d'enfants par femme : huit en
moyenne. Un rapport de la FAO publié en 1998 concluait déjà : «Les taux
de malnutrition chez les enfants sont élevés à travers tout le Niger : plus
de 32% accusent un retard de croissance dont la moitié est sévèrement
atteinte – plus de 15% souffrent d'émaciation et plus de 36% ont des
insuffisances pondérales. Cette situation est d'autant plus préoccupante
qu'il n'y a pas de signes d'amélioration depuis dix ans.» La pénurie
alimentaire frappe donc de plein fouet les enfants juste sevrés,
principalement entre trois et cinq ans. Mais ce n'est pas tout. Une enquête
de Médecins sans Frontières (MSF) en mai dans les régions de Tahoua et de
Maradi révèle un taux de malnutrition aiguë généralisée de 19,5 et
19,3%, et déjà 2,9 et 2,4% des populations qui souffrent de malnutrition
aiguë sévère.
Le gouvernement du Niger est-il le principal responsable de ce désastre ?
Oui et non. Il a réagi dans l'urgence en mettant des stocks de céréales à la disposition des populations affamées. Mais «il ne s'est pas doté d'un système très solide de collecte et d'analyse des données relatives à la nutrition, et les conclusions sont donc basées sur des informations partielles dont l'interprétation doit être circonspecte», estime l'agence américaine USAid. Il serait temps également qu'une politique nataliste réaliste soit mise en place au Niger.
Que se passera-t-il si l'aide n'afflue pas ?
Ce serait un désastre humanitaire. Même si les pluies cette année sont bonnes et les récoltes de céréales prometteuses, le Niger ne pourra pas passer un pic de crise sans l'aide internationale.
Figaro 30 juillet 2005
Dernière mise à jour : mardi 17 décembre 2019